La police de Montréal veut changer d’approche dans le métro. Si tout se passe comme prévu, ses patrouilleurs cesseront bientôt d’y effectuer une surveillance régulière pour se concentrer sur des problématiques liées spécifiquement à la criminalité, tandis que les postes de quartier répondront aux appels d’urgence près des stations.

« Ça revient essentiellement à changer le mandat de nos policiers de la première ligne dans le métro. Maintenant, leur approche consistera en la résolution de problèmes liés à la criminalité. Ils vont travailler en synergie avec les enquêteurs », explique à La Presse la commandante de la Section métro de Montréal, Joanne Matte, qui veut mettre en branle ce nouveau projet d’ici novembre.

Jusqu’ici, les 86 patrouilleurs du métro étaient les seuls au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à répondre aux appels d’urgence pour des évènements de violence dans les stations. Mais « avec l’augmentation de l’itinérance, le manque de logement, les dépendances croissantes aux drogues, la donne a changé », affirme la policière.

D’ici peu, le nombre de patrouilleurs affectés à la Section métro passera à 100, ce qui permettra à plusieurs policiers « de se dégager de la répartition d’appels » pour « se concentrer sur la résolution de problèmes » et des Modules d’action par projet. Il s’agit de petites escouades mises sur pied par un poste de quartier pour régler une problématique particulière dans un secteur donné.

Les appels passés au 911 pour des évènements dans le réseau seront donc dorénavant traités par les postes de quartier (PDQ) situés près des stations. Au total, 16 PDQ se trouvent près de stations de métro et pourront intervenir, selon le lieu et la gravité de l’évènement. Au besoin, des intervenants sociaux de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale pourraient aussi être appelés à participer.

En cours d’analyse

Le cabinet de la mairesse Valérie Plante, lui, rappelle que le plan du SPVM est encore « en cours d’analyse », soutenant qu’« aucun compromis ne sera fait concernant la sécurité des usagers ». « Aucune baisse d’effectifs policiers n’est prévue […] et l’objectif vise à permettre aux policiers qui travaillent dans le réseau de métro de répondre plus efficacement aux situations », affirme l’attachée de presse Catherine Cadotte.

De son côté, le SPVM est persuadé du bien-fondé de la mesure. « Si je prends l’exemple de la problématique de stupéfiants à Berri : là, une partie de l’équipe va pouvoir travailler en civil pour arrêter les revendeurs de stupéfiants pour en venir à diminuer la consommation et les appels en ce sens. Ce sont des modèles comme ça qu’on peut envisager », illustre la commandante Matte.

Il n’y aura « pas moins de visibilité policière dans le métro pour autant », assure-t-elle.

Ce n’est pas une suppression de postes, c’est plutôt un partage de ressources. On va pouvoir agir de façon plus précise. Ça va éviter tous les longs déplacements d’un policier qui part de Berri, s’en va au square Cabot puis à Papineau. Là, chacun des postes de quartier va pouvoir s’en charger.

Joanne Matte, commandante de la Section métro de Montréal du SPVM

À terme, Mme Matte espère que cette transformation « diminuera le nombre d’appels au 911 et la criminalité autour des stations ». « C’est ça, notre objectif premier. C’est un modèle unique à Montréal qui, pense-t-on, va nous permettre d’améliorer le sentiment de sécurité. »

Des constables spéciaux surpris

L’annonce du SPVM ne fait pas que des heureux. À la Fraternité des constables et des agents de la paix STM-CSN, par exemple, le président, Kevin Grenier, se dit préoccupé. Les constables spéciaux de la Société de transport de Montréal (STM) agissent en complémentarité avec le SPVM, mais ne portent pas d’arme. Ils peuvent toutefois procéder à des arrestations depuis quelques années.

« C’est surprenant, la façon dont c’est fait. On comprend qu’ils restructurent leur organisation, mais l’impact reste au niveau de nos effectifs. En période hivernale, on est déjà très occupés avec nos appels auprès des personnes vulnérables et ceux qui commettent des incivilités et des crimes. Le volume d’appel est grandissant d’année en année », affirme M. Grenier.

Il devra « y avoir des embauches massives et rapides » chez les constables pour se préparer à cette transition, soutient le leader syndical.

« On a toujours su s’adapter au volume d’appels et on va continuer de le faire […], mais l’embauche est cruciale et je pense que ça rassurerait les clients et mes membres, un engagement clair à ce niveau », souligne le président.

À la STM, on soutient que « le contexte social dans le réseau de métro a considérablement changé », avec entre autres une « augmentation du nombre de personnes vulnérables et des cas d’incivilités ».

« Notre volonté est d’augmenter la sécurité de toute notre clientèle et nos employés. Ce changement de situation nous appelle à revoir notre stratégie, dont les paramètres restent à confirmer, pour assurer une meilleure réponse des policiers et constables spéciaux », précise la porte-parole Laurence Houde-Roy.

Dans l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal, on s’inquiète : « Considérant le sentiment d’insécurité grandissant dans le métro de Montréal, cette décision [n’a] aucun sens. […] Les usagers s’attendent à plus de services de sécurité, pas à moins. Alors que l’administration Plante promettait en juin de remédier à la problématique, voilà qu’on retourne à la case départ », dénonce le porte-parole en matière de sécurité publique, Abdelhaq Sari.