Métro fermé après 23 h, moins d’autobus, mises à pied de chauffeurs : sans bonification de l’aide gouvernementale, le secteur du transport collectif subira de lourdes pertes, préviennent cinq maires et mairesses du Grand Montréal. Ces compressions porteraient « atteinte à la réputation » économique de la métropole, s’inquiète Valérie Plante.

« Au fond, c’est un cri du cœur qu’on fait aujourd’hui. Je pense aux parties du Canadien de Montréal, au Grand Prix de Formule 1. Qu’est-ce qu’on fait si tous ces gens n’ont pas de service disponible après 11 h [le soir] ? », a souligné Mme Plante jeudi, lors d’une mêlée de presse au square Victoria, en fin de journée.

Elle faisait référence à des informations d’abord rapportées par Radio-Canada, que La Presse a pu confirmer, selon lesquelles la proposition de la ministre des Transports Geneviève Guilbault de n’éponger que 20 % des déficits des sociétés de transport – avec une aide de 502,8 millions sur cinq ans – aurait pour conséquence de limiter les heures d’ouverture dans le métro.

Selon les hypothèses des municipalités, le métro devrait fermer après 23 h chaque jour et n’ouvrir qu’à compter de 9 h, le week-end. Cela aurait aussi pour effet de réduire le nombre de trains disponibles sur les lignes jaune, verte et orange.

Dans le réseau d’autobus de la Société de transport de Montréal (STM), le nombre de voyages chuterait également d’environ 15 % la semaine et le week-end, augmentant l’entassement et l’effet « classe sardine », surtout aux heures de pointe.

Partout dans le Grand Montréal, à Laval et à Longueuil, cet impact se ferait sentir de la même façon. Sur la Rive-Nord, la Société de transport de Laval (STL) risquerait de perdre plus d’une centaine d’employés d’ici quelques années, ce qui la forcerait aussi à réduire les services. Même son de cloche pour le Réseau de transport de Longueuil (RTL) et exo, sur la Rive-Sud, qui devraient aussi réduire la fréquence de leurs trajets ainsi que leurs effectifs.

Une contre-offre à 75 % pour 2024

Plus tôt cette semaine, mardi, les municipalités du Grand Montréal ont officiellement déposé une contre-offre à la ministre Geneviève Guilbault. Dans une lettre obtenue par La Presse, ils proposent que Québec assume à court terme 75 % du déficit de l’année 2024 estimé à 532 millions.

L’autre tranche de 25 % serait payée par les municipalités, idéalement « sans affecter le niveau de service ». Comme l’a récemment rapporté La Presse, les villes de la région métropolitaine ont déjà convenu de limiter à tout au plus 4 % l’augmentation de la contribution des municipalités à l’ARTM pour l’année 2024.

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La mairesse Valérie Plante

Ici, il n’y a aucun maire ou mairesse qui va vous dire qu’on veut couper dans le service. […] On aspire à ce que la ministre envoie le même message. Il est minuit moins deux, on boucle notre budget dans deux semaines. Ce n’est pas sérieux de tenir une négociation à ce moment-ci.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Mme Plante était accompagnée jeudi de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, du maire de Laval, Stéphane Boyer, de la mairesse de Mercier, Lise Michaud, et du maire de Repentigny, Nicolas Dufour, des élus municipaux eux aussi tous impliqués avec la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

« Vingt pour cent, ce n’est pas à la hauteur des besoins », a fait valoir Catherine Fournier. « Avec l’offre du gouvernement qui est présentement sur la table, on n’y arrivera pas. Cette offre-là n’est pas sérieuse. Ça suffit. Il faut s’asseoir de façon plus rigoureuse. Ce n’est pas seulement du ressort des villes », a-t-elle insisté.

Vers « plus de congestion »

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Le maire de Laval, Stéphane Boyer

Stéphane Boyer, lui, soutient qu’il en va d’un choix de société. « Est-ce que notre vision, c’est moins d’autobus et donc plus de congestion ? Parce que c’est vers là qu’on s’en va si on retient la proposition du gouvernement », s’est-il inquiété, disant craindre un « tournant très néfaste » pour l’avenir de la mobilité.

« On peut trouver une entente, mais le gouvernement va devoir mettre de l’eau dans son vin. Les citoyens ne peuvent plus à eux seuls absorber la facture », a de son côté avancé Nicolas Dufour, en rappelant qu’à Repentigny, la proposition du gouvernement ferait bondir de 5 % le compte de taxes de la population.

La mairesse Lise Michaud, elle, croit toujours qu’il est possible de « négocier de bonne foi » avec Québec, mais déplore que « sur les couronnes, c’est famélique, on manque de transport en commun ».

« Ce n’est vraiment pas le temps de demander aux citoyens de payer plus. On veut tous du transport collectif qui va permettre d’atteindre nos objectifs en densification et, justement, atteindre aussi les objectifs du gouvernement pour éviter l’étalement urbain », a-t-elle conclu.

Appelé à réagir, le cabinet de la ministre Geneviève Guilbault n’a pas souhaité commenter la sortie des cinq élus municipaux, jeudi. Mme Guilbault sera vendredi dans la métropole, à l’occasion d’une première rencontre du comité directeur de Mobilité Montréal en près de quatre ans. Elle devrait rencontrer plusieurs élus municipaux en marge de cette activité.