Québec fera une nouvelle offre aux sociétés de transport du Grand Montréal, faisant passer de 150 à plus de 200 millions de dollars son aide pour 2024, a appris La Presse. Cinq maires et mairesses ont prévenu jeudi que sans bonification, le secteur du transport collectif subirait de lourdes pertes : fermeture du métro après 23 h, baisse du nombre d’autobus et mise à pied de chauffeurs.

Ce qu’il faut savoir

La semaine dernière, la ministre Geneviève Guilbault a proposé aux sociétés de transport un financement de 502,8 millions sur cinq ans, ce qui représente à peine 20 % du déficit de l’industrie.

Selon des informations obtenues par La Presse, la ministre fera une nouvelle offre afin de bonifier son aide pour 2024.

Des maires et mairesses du Grand Montréal s’inquiètent de voir une réduction des services de transport collectif sans une bonification suffisante de l’aide de Québec.

De telles compressions porteraient « atteinte à la réputation » économique de la métropole, s’inquiète Valérie Plante.

« Au fond, c’est un cri du cœur qu’on lance aujourd’hui. Je pense aux parties du Canadien de Montréal, au Grand Prix de Formule 1. Qu’est-ce qu’on fait si tous ces gens n’ont pas de service disponible après 11 h [le soir] ? », a souligné la mairesse de Montréal jeudi, lors d’une mêlée de presse au square Victoria, en fin de journée.

Elle faisait référence à des informations d’abord rapportées par Radio-Canada, que La Presse a pu confirmer, selon lesquelles la proposition de la ministre des Transports Geneviève Guilbault de n’éponger que 20 % des déficits des sociétés de transport – avec une aide de 502,8 millions sur cinq ans – aurait pour conséquence de réduire les heures d’ouverture du métro. Cette première offre prévoyait près de 150 millions pour 2024 aux sociétés de transport du Grand Montréal.

Selon les hypothèses des municipalités, le métro devrait fermer après 23 h chaque jour et n’ouvrir qu’à 9 h le week-end. Cela aurait aussi pour effet de réduire le nombre de trains disponibles sur les lignes jaune, verte et orange.

Dans le réseau d’autobus de la Société de transport de Montréal (STM), le nombre de voyages chuterait également d’environ 15 % la semaine et le week-end, augmentant l’entassement et l’effet « classe sardine », surtout aux heures de pointe.

Partout dans le Grand Montréal, à Laval et à Longueuil, cet impact se ferait sentir de la même façon. Sur la Rive-Nord, la Société de transport de Laval (STL) risquerait de perdre plus d’une centaine d’employés d’ici quelques années, ce qui la forcerait aussi à réduire les services. Même son de cloche au Réseau de transport de Longueuil (RTL) et chez exo, sur la Rive-Sud, qui devraient aussi réduire la fréquence de leurs trajets ainsi que leurs effectifs.

Une nouvelle offre

Selon des informations obtenues par La Presse auprès d’acteurs impliqués dans les pourparlers, Geneviève Guilbault fera une nouvelle offre afin de bonifier son aide pour 2024 – un élément important pour les sociétés de transport qui doivent présenter leur budget bientôt.

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L’enveloppe passera de 150 à plus de 200 millions de dollars pour cette année-là. Des signaux en ce sens ont même été envoyés aux sociétés de transport au cours des derniers jours, sans qu’une nouvelle offre formelle ait été présentée par la ministre, a-t-on pu constater.

Appelé à commenter ces informations, le cabinet de Geneviève Guilbault ne les a ni confirmées ni infirmées. Des sources gouvernementales qui n’étaient pas autorisées à parler publiquement du dossier ont toutefois confirmé la bonification de l’aide à plus de 200 millions.

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Geneviève Guilbault, ministre des Transports du Québec

Cette bonification est accordée dans un contexte où le gouvernement doit déjà répondre à plusieurs demandes d’aide financière émanant des municipalités, en matière d’itinérance, de logement et d’adaptation aux changements climatiques. Le ministre des Finances, Eric Girard, a déjà signalé que ces trois enjeux seraient des priorités de sa mise à jour économique du 7 novembre. L’aide aux sociétés de transport pour 2024 s’y retrouvera également.

Une contre-offre à 75 % pour 2024

Plus tôt cette semaine, mardi, les municipalités du Grand Montréal ont officiellement déposé une contre-offre à la ministre Geneviève Guilbault. Dans une lettre obtenue par La Presse, ils proposent que Québec assume à court terme 75 % du déficit de l’année 2024 estimé à 532 millions ; l’autre tranche de 25 % serait payée par les municipalités. Leur demande au gouvernement se chiffre ainsi à 400 millions.

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Il y a donc toujours un écart entre la nouvelle offre et la contre-proposition des sociétés de transport. Vendredi matin, les villes ont fait savoir qu’une aide gouvernementale inférieure à 300 millions pour 2024 entraînerait les coupes de services présentées jeudi.

Mais il faut noter que les parties ne s’entendent pas sur le calcul du déficit : le gouvernement est d’avis que les sociétés de transport le surestiment d’environ 100 millions. Au cœur du litige se trouve l’utilisation de la centaine de millions en revenus tirés de la nouvelle taxe sur l’immatriculation dans le « 450 » que la ministre les a autorisées à percevoir : les sociétés de transport devaient se servir de la cagnotte pour réduire le déficit, alors qu’elles l’affectent maintenant au développement de leur réseau, constate-t-on à Québec.

Les villes proposent de payer 25 % du déficit alors que, comme l’a récemment rapporté La Presse, elles ont déjà convenu de limiter à tout au plus 4 % l’augmentation de la contribution des municipalités à l’ARTM pour l’exercice 2024.

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

Ici, il n’y a aucun maire ou mairesse qui va vous dire qu’on veut couper dans le service. […] On aspire à ce que la ministre envoie le même message. Il est minuit moins deux, on boucle notre budget dans deux semaines. Ce n’est pas sérieux de tenir une négociation à ce moment-ci.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Mme Plante était accompagnée jeudi de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, du maire de Laval, Stéphane Boyer, de la mairesse de Mercier, Lise Michaud, et du maire de Repentigny, Nicolas Dufour, des élus municipaux eux aussi tous impliqués dans la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

« 20 %, ce n’est pas à la hauteur des besoins », a fait valoir Catherine Fournier. « Avec l’offre du gouvernement qui est présentement sur la table, on n’y arrivera pas. Cette offre-là n’est pas sérieuse. Ça suffit. Il faut s’asseoir de façon plus rigoureuse. Ce n’est pas seulement du ressort des villes », a-t-elle insisté.

Vers « plus de congestion »

Stéphane Boyer, lui, soutient qu’il s’agit d’un choix de société. « Est-ce que notre vision, c’est moins d’autobus et donc plus de congestion ? Parce que c’est vers là qu’on s’en va si on retient la proposition du gouvernement », s’est-il inquiété, disant craindre un « tournant très néfaste » pour l’avenir de la mobilité.

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Stéphane Boyer, maire de Laval

« On peut trouver une entente, mais le gouvernement va devoir mettre de l’eau dans son vin. Les citoyens ne peuvent plus à eux seuls absorber la facture », a de son côté estimé Nicolas Dufour, en rappelant qu’à Repentigny, la proposition du gouvernement ferait bondir de 5 % le compte de taxes de la population.

La mairesse Lise Michaud, elle, croit toujours qu’il est possible de « négocier de bonne foi » avec Québec, mais déplore que « sur les couronnes, c’est famélique, on manque de transport en commun ».

« Ce n’est vraiment pas le temps de demander aux citoyens de payer plus. On veut tous du transport collectif qui va permettre d’atteindre nos objectifs en densification et, justement, atteindre aussi les objectifs du gouvernement pour éviter l’étalement urbain », a-t-elle conclu.

Geneviève Guilbault n’a pas souhaité commenter la sortie des cinq élus municipaux. Ce vendredi, elle sera dans la métropole, à l’occasion d’une première rencontre du comité directeur de Mobilité Montréal en près de quatre ans. Elle devrait rencontrer plusieurs élus municipaux en marge de cette activité.