Le ton continue de monter dans le dossier du financement du transport collectif, les maires et mairesses du Grand Montréal déplorant le « silence radio » du gouvernement depuis le dépôt de leur contre-offre. À Québec, on soutient qu’une nouvelle proposition s’en vient, mais qu’elle ne financera pas 75 % des déficits.

« C’est silence radio de la part du gouvernement et de la ministre des Transports. Aucune contre-offre, aucun téléphone, aucune conversation. On est extrêmement inquiets. […] On se sent acculés au pied du mur », a martelé mardi la mairesse Valérie Plante, lors d’une conférence de presse tenue dans les locaux de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante

À nouveau, Mme Plante était accompagnée mardi de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, du maire de Laval, Stéphane Boyer, de la mairesse de Mercier, Lise Michaud.

On vit un sentiment d’injustice. Tout le monde est supposé de contribuer à la tarte, mais là, un des pâtissiers n’est pas là.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Les municipalités, qui déplorent le « désengagement » du gouvernement en matière de mobilité, ont déjà proposé que Québec assume à court terme 75 % du déficit de l’année 2024, estimé à 532 millions. Leur demande formelle au gouvernement se chiffre ainsi à 400 millions seulement pour l’an prochain.

Selon nos informations, Québec préparerait toujours une contre-offre de plus de 200 millions pour 2024, mais n’aurait pas l’intention d’aller jusqu’à 300 millions. Or, selon les villes, une aide inférieure à 300 millions pour 2024 entraînerait de nombreuses coupes de services dans le métro, qui devrait fermer après 23 h, ainsi que des suppressions d’autobus sur les routes.

« En ce moment, on doit fonctionner avec des hypothèses. Et on ne peut pas être rigoureux si on n’a pas des chiffres devant nous », a de son côté fait valoir Catherine Fournier, en rappelant que les budgets municipaux seront adoptés d’ici quelques semaines.

À Québec, la ministre Guilbault, elle, a indiqué être sur le point de « faire une nouvelle offre » aux sociétés de transport. « Cela dit, il y a une évaluation à faire du fonctionnement de ces organisations-là. Et je ne crois pas que c’est réaliste de demander au gouvernement d’éponger les déficits à la fin de chaque année, de manière un peu simpliste », a-t-elle réitéré.

En répondant plus directement à la mairesse Plante, Mme Guilbault a ensuite ajouté que « non seulement le pâtissier qu’est le gouvernement, on paie grosso modo la moitié de la tarte, mais en plus, on a aucun contrôle sur les coûts de production de la tarte ». « Il y a d’autres façons d’économiser qu’en fermant le métro ou en demandant au gouvernement de payer 75 % des déficits », a-t-elle persisté.

« David contre Goliath »

Stéphane Boyer, lui, déplore que les villes soient mises « dans une situation où elles doivent négocier en quelques jours des milliards de dollars ». « On ne joue pas à armes égales. On est David contre Goliath », a-t-il tonné, accusant le gouvernement de refiler aux villes « le fardeau » du financement.

« De notre côté, sur les couronnes, c’est impensable de demander aux citoyens de payer pour un transport collectif qu’ils n’ont pas actuellement », a enfin jugé la mairesse Michaud.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Geneviève Guilbault

Officiellement, la dernière offre de Mme Guilbault revient à éponger 20 % des déficits des sociétés de transport – avec une aide de 502,8 millions sur cinq ans. La Presse a toutefois révélé la semaine dernière que Québec ferait prochainement une nouvelle offre aux sociétés de transport, faisant passer de 150 à plus de 200 millions de dollars son aide pour 2024.

Les deux parties ne s’entendent même pas sur le calcul du déficit. Le gouvernement est en effet d’avis que les sociétés de transport le surestiment d’environ 100 millions. Un flou demeure aussi quant à l’utilisation de la nouvelle taxe sur l’immatriculation dans le Grand Montréal : les municipalités veulent utiliser la cagnotte pour développer du réseau alors que le gouvernement s’attendait plutôt à ce qu’elle serve à réduire le déficit.

Ce qu’ils ont dit

J’espère que la CAQ va se rasseoir avec les villes, puis qu’elle va s’assurer que les services ne seront pas coupés. Et ça, ça veut dire s’assurer d’investir.

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

C’est très important que le gouvernement soit un partenaire. Ce qu’on veut, c’est augmenter le nombre d’usagers en transport collectif. Ce n’est pas avec l’approche de Geneviève Guilbault qu’on va y arriver.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

On n’aura vraisemblablement pas assez d’argent au gouvernement pour soutenir les services de transport collectif. […] À un moment donné, il faut mettre le gouvernement face à ses contradictions. Il a un devoir de s’expliquer.

Joël Arseneau, critique du Parti québécois en matière de transports

Avec Tommy Chouinard