Des ambulanciers ont dû mettre environ 25 minutes pour porter assistance à une femme victime d’un malaise dans un train du Réseau express métropolitain (REM), alors que celui-ci était immobilisé entre deux stations, la semaine dernière. L’évènement soulève des inquiétudes quant aux déficiences du protocole de sécurité dans le train léger.

Lundi dernier, un appel a été reçu au 911 à 17 h 14 pour demander l’intervention des secours en raison d’une femme qui avait perdu connaissance dans un train du REM, à proximité de la station Panama, à Brossard. Le train était alors immobilisé entre deux stations, puisqu’un problème informatique avait coincé des dizaines de passagers dans les wagons pendant plus de deux heures.

À 17 h 22, les premiers répondants sont arrivés sur les lieux. « Une ambulance a été dépêchée, mais les ambulanciers m’ont rappelé pour me dire qu’ils ne [pouvaient] pas accéder au train », raconte Thomas, l’auteur de l’appel.

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La station Panama du REM, à Brossard

« Un de nos superviseurs a discuté avec un responsable du REM pour savoir comment procéder », explique l’ambulancier Renaud Pilon, qui s’occupe aussi parallèlement des relations avec les médias à la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM). « Finalement, on a dû évacuer la patiente du wagon, parce que ce dernier ne pouvait pas être ramené en station. Tout le processus pour y arriver, comme ce n’était pas assez clair, c’est certain que ça a retardé notre prise en charge. »

Ultimement, la patiente n’a pu être assistée par des techniciens ambulanciers qu’une vingtaine de minutes plus tard, peu après 17 h 40, soit un délai d’intervention qui peut être fatal en cas de danger pour la vie.

« C’est complètement inacceptable »

Pour Thomas, qui préfère taire son nom de famille, toute cette affaire « a soulevé un très gros doute sur la capacité des services d’urgence et de l’équipe du REM à intervenir » parmi les usagers qui étaient présents avec lui dans le train, ce jour-là.

À un certain point, la respiration de la femme était « irrégulière et assez préoccupante », relate-t-il. « J’ai insisté pour qu’une personne appuie sur le bouton pour communiquer avec l’opérateur, qui n’avait pas trop l’air de savoir quoi faire », poursuit l’usager.

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Des ambulanciers ont dû mettre environ 25 minutes pour porter assistance à une femme victime d’un malaise dans un train du Réseau express métropolitain.

Heureusement, l’état de la femme s’est stabilisé entre l’appel et l’arrivée des secours, affirme Thomas, qui utilise fréquemment le transport collectif.

C’est très inquiétant. Si ça avait été un problème plus grave ou quelqu’un qui a besoin d’intervention immédiate, qu’est-ce qu’on aurait fait ? Il y avait vraiment une préparation qui n’était pas là, et comme usager, ce n’est pas rassurant.

Thomas

« Pour nous, la préoccupation, c’était d’abord et avant tout un enjeu de sécurité », affirme l’ambulancier Renaud Pilon. La CETAM affirme que des discussions ont eu lieu après l’évènement avec l’équipe de CDPQ Infra, afin « d’améliorer le processus de décision » si de tels scénarios venaient à se reproduire.

« En fait, ce que ça nous prend, c’est une confirmation plus rapide et la mise en place d’un processus efficace du côté du REM pour pouvoir avoir le feu vert », précise Renaud Pilon.

« C’était écrit dans le ciel »

À Trajectoire Québec, un organisme qui défend les droits des usagers du transport collectif, on est aussi préoccupés. « On nous avait assuré que le protocole était à la hauteur, mais force est de constater avec l’intervention de lundi dernier que les délais sont importants avant que les services d’urgence puissent avoir accès au REM. On arrive donc à la conclusion que non, le protocole ne fait pas son travail et qu’il doit être amélioré rapidement », soutient sa directrice générale, Sarah V. Doyon.

Elle rappelle d’ailleurs que sept corps policiers avaient aussi sonné l’alarme en 2022, avant l’arrivée du REM sur la Rive-Sud, en déplorant le fait que le plan d’intervention en matière de sécurité avait été conçu sans eux.

« Les possibilités qu’une évacuation soit nécessaire dans une gare ou un train sont réelles. À première vue, les informations obtenues […] ne permettent pas de conclure que des mesures adéquates ont été prévues », écrivaient les directeurs de police, dans une lettre envoyée à CDPQ Infra, qui avait après coup assuré que des discussions étaient en cours.

« C’est fâchant, parce que c’était prévisible, c’était écrit dans le ciel. Dans des pannes prolongées, surtout entre les stations, on le sait qu’il va y avoir des gens qui vont paniquer plus que d’autres. Ça peut créer des situations très anxiogènes et il faut les gérer », persiste Mme Doyon.

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Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

C’est un peu comme si le worst-case scenario n’avait pas été envisagé.

Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

Vers un processus « corrigé »

En réponse à nos questions, CDPQ Infra a précisé par courriel avoir tout récemment « exigé de ses partenaires Alstom et AtkinsRéalis un plan corrigé pour mieux assurer la qualité des opérations et améliorer significativement la gestion des incidents ».

L’organisation rappelle toutefois que lorsque des voitures sont arrêtées entre deux stations pendant une panne, « les procédures de sécurité dictent que des agents d’intervention devraient être rapidement déployés dans les trains à l’arrêt et que ceux-ci soient ramenés à une station pour permettre la sortie des usagers ».

« Quand les voitures sont à l’arrêt entre deux stations pendant une panne de service, les usagers sont en sécurité à bord. Cependant, dans des cas d’exception déterminés par des facteurs tels que les délais d’intervention, les temps d’arrêt ou la sécurité, il peut être décidé qu’il est préférable d’évacuer le train entre les stations », explique encore CDPQ Infra.

Après la demande d’assistance, lundi, la décision a rapidement été prise par le centre de contrôle du REM « d’évacuer ces voitures considérant leur proximité à la station et pour permettre aux ambulanciers de rejoindre rapidement la personne qui avait besoin d’assistance », assure la filiale de la Caisse de dépôt et placement.