La Ville de Longueuil ne commencera l’abattage des cerfs de Virginie du parc Michel-Chartrand que l’automne prochain, a annoncé mercredi la mairesse Catherine Fournier, pendant qu’une dizaine de manifestants opposés à l’opération de réduction du cheptel se faisaient entendre à l’entrée de l’hôtel de ville.

La chasse contrôlée à l’arbalète sera menée par des chasseurs professionnels, choisis à la suite d’un appel d’offres qui sera lancé par la Ville dans quelques mois, a indiqué Mme Fournier en conférence de presse.

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Manifestants devant l’hôtel de ville de Longueuil, mercredi

« Nous nous sommes basés sur des avis d’experts qui disent que l’arbalète est le moyen le plus approprié pour une chasse contrôlée », a souligné le conseiller municipal Jonathan Tabarah, qui représente le district où se trouve le parc Michel-Chartrand.

Les élus longueuillois auraient voulu s’attaquer à la réduction du nombre de cerfs avant que la taille du troupeau n’explose, mais ils en ont été empêchés par des recours judiciaires de la part d’opposants à l’abattage, un feuilleton de deux ans qui s’est terminé en octobre dernier par une décision de la Cour d’appel donnant le champ libre à la Ville.

Le printemps dernier, 117 cerfs avaient été observés dans le parc d’une superficie d’un kilomètre carré par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, comparativement à 32 en 2017.

Les experts estiment que le nombre de bêtes devrait être limité à 10 ou 15, pour que le parc retrouve son équilibre écologique. Un nouveau décompte sera fait le printemps prochain.

« Les cerfs, qui sont en surpopulation, mangent tout ce qui est feuillu dans le parc. Alors, jusqu’à une certaine hauteur, il n’y a plus aucune végétation restante », explique Louis-Pascal Cyr, conseiller stratégique à la direction générale de la Ville.

Cette situation fait en sorte que les bêtes manquent de nourriture, ce qui compromet leur santé, ajoute-t-il. La prolifération des cerfs cause aussi des accidents routiers, facilite la transmission de la maladie de Lyme et compromet la survie des nouvelles pousses que la Ville tente de planter à la suite de l’abattage des frênes malades.

Menaces

La mairesse Fournier fait l’objet depuis septembre dernier d’une surveillance policière accrue, notamment parce que l’abattage des cerfs soulève une forte opposition de la part des défenseurs du droit des animaux. Début novembre, des menaces ont été proférées à son endroit en lien avec ce dossier.

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Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Catherine Fournier et Jonathan Tabarah ont de nouveau été visés par des menaces la semaine dernière, a indiqué Gino Iannone, inspecteur au Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), précisant qu’un suspect avait été identifié dans cette affaire, mais qu’il n’y avait encore eu aucune arrestation.

Les policiers étaient d’ailleurs présents en grand nombre lors de la conférence de presse de mercredi pour empêcher les manifestants d’entrer dans la salle où se déroulait la conférence de presse.

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Des policiers surveillaient la salle où se déroulait la conférence de presse afin d’empêcher que des manifestants s’y introduisent.

Les coûts de l’opération d’abattage n’ont pas encore été évalués, mais la Ville a payé environ 375 000 $ pour se défendre en cour à la suite des poursuites déposées par les opposants, a révélé Catherine Fournier. Longueuil demandera l’aide financière d’un fonds spécial de l’Union des municipalités du Québec, puisque la Ville estime que la décision judiciaire sera profitable à toutes les municipalités ayant un problème de surpopulation de cerfs.

Lors de la chasse contrôlée, le parc devra être fermé pour quelques jours, par mesure de sécurité, ont souligné les élus municipaux.

La viande des bêtes tuées sera remise à des organismes de charité qui la distribueront à des familles dans le besoin.

En novembre, la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) a abattu 399 cerfs de Virginie dans les parcs nationaux des Îles-de-Boucherville et du Mont-Saint-Bruno, où ils étaient aussi en surpopulation. La chasse a été faite au moyen d’armes à feu.

Longueuil a privilégié l’arbalète, étant donné que le parc se trouve en milieu urbain. L’opération sera menée à plus de 200 mètres des voies de circulation et des habitations, et les tirs des chasseurs seront orientés vers l’intérieur du parc, précise Louis-Pascal Cyr.

Les agents du SPAL assureront la sécurité du périmètre extérieur du parc, notamment pour les automobilistes, et interviendront en cas de besoin si les responsables de la chasse sont aux prises avec des opposants à l’opération, indique Gino Iannone.

L’histoire jusqu’ici

Novembre 2020 : L’administration de l’ancienne mairesse Sylvie Parent annonce son intention de capturer et d’euthanasier une quinzaine de cerfs de Virginie au parc Michel-Chartrand.

Février 2021 : À la suite d’une demande de l’organisme Sauvetage Animal Rescue, qui veut relocaliser les cerfs, un comité d’éthique rejette cette option.

Mai 2022 : Sauvetage Animal Rescue, représenté par MAnne-France Goldwater, dépose une poursuite contre la Ville de Longueuil pour empêcher la mise à mort des cerfs.

Décembre 2022 : Après un revers en Cour supérieure, les opposants obtiennent de la Cour d’appel la suspension des démarches de la Ville en vue de l’abattage, jusqu’à ce que l’affaire soit tranchée sur le fond.

Août 2023 : Le jugement de la Cour supérieure rejette la demande des opposants.

Octobre 2023 : Sauvetage Animal Rescue veut faire appel de la décision de la Cour supérieure, mais la Cour d’appel refuse de réviser le jugement.