L’accès aux arrêts d’autobus, aux stations de métro et aux gares de trains de la région de Montréal est encore souvent difficile, surtout pour les usagers plus vulnérables, révèle une nouvelle étude de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Ses auteurs appellent les autorités à mieux choisir les emplacements pour faciliter le parcours du « dernier ou du premier kilomètre ».

« Il y a énormément d’endroits qui ne sont ni sécuritaires ni conviviaux pour embarquer, débarquer de l’autobus ou même attendre un autobus. C’est pareil avec le métro ou le train. Même pour se rendre chez soi, ce n’est pas facile. Souvent, il n’y a pas de traverses sécuritaires pour aller vers un quartier résidentiel, par exemple », affirme la professeure et auteure de l’étude Marie-Soleil Cloutier.

Dans la dernière année, l’étudiant Philippe Brodeur-Ouimet et Mme Cloutier se sont attelés avec leur équipe à cartographier 20 000 arrêts d’autobus de la grande région de Montréal, mais aussi les 68 stations du métro et leurs 275 sorties, ainsi qu’une soixantaine d’accès et de sorties de gares de train.

Simultanément, des marches ont aussi été organisées pour observer la situation sur le terrain dans une quinzaine de stations plus névralgiques, en compagnie d’usagers vulnérables, dont des aînés, des parents avec enfants ou des personnes handicapées.

L’objectif était de déterminer si ces stations sont « marchables », autrement dit si les risques pour s’y rendre sont élevés, modérés ou faibles. Une série de facteurs étaient pris en compte pour y arriver, tels que la densité de la route, le caractère accidentogène du secteur, la canopée, les aménagements piétonniers et cyclistes qu’on y retrouve ou encore la taille de la population.

L’organisme Trajectoire Québec, dont le mandat est de défendre les intérêts des usagers du transport collectif, a aussi collaboré à l’étude. Selon sa directrice générale, Sarah V. Doyon, « le principe était surtout d’étudier la sécurité perçue avant et après le transport collectif, dans le dernier kilomètre, parce qu’on a très peu de données là-dessus ». « C’est un bout ignoré par la recherche jusqu’ici », déplore-t-elle.

Des installations peu adaptées

Ultimement, le constat que font Mme Cloutier et son équipe est dur. « Non seulement la majorité des stations ne sont pas adaptées, mais ce qui est encore plus préoccupant, c’est que souvent, les quartiers où c’est le moins sécuritaire et convivial, ce sont les endroits où il y a énormément de gens qui prennent le transport collectif », note la spécialiste des questions de sécurité routière.

À l’inverse, les endroits considérés comme les plus sécuritaires « sont souvent des villes de banlieue, avec un bassin d’usagers moins grand », raisonne-t-elle.

C’est comme si la question du sentiment de sécurité des usagers n’avait jamais été véritablement prise en compte. Ça, il faut que ça change.

Marie-Soleil Cloutier, auteure de l’étude de l’Institut national de la recherche scientifique

« On ne parle pas de reconstruire la ville au complet, mais de mieux choisir les lieux des arrêts pour prendre en compte la sécurité des gens, et pas juste la fluidité et la rapidité des déplacements. Le réflexe piéton doit être là. »

CARTE TIRÉE DE L’ÉTUDE DE L’INRS

Carte traduisant le potentiel piétonnier de la région de Montréal

Sarah V. Doyon espère voir la donne changer bientôt, ce qui permettrait au passage de relancer la fréquentation du transport collectif. « Si tu veux prendre le métro ou l’autobus, te sentir en sécurité pour t’y rendre, c’est déterminant. Il y a des gens qui encore aujourd’hui nous disent qu’ils s’empêchent de sortir l’hiver, d’aller à certains arrêts. Et c’est tellement dommage », souffle-t-elle.

« Tout n’est pas noir, il y a de très bons aménagements en place. Mais il y a aussi beaucoup d’arrêts d’autobus où on a simplement installé un poteau et une pancarte. En territoire périurbain, on le remarque beaucoup », ajoute la DG.

Mieux s’arrimer pour changer

Au-delà des aménagements, Trajectoire Québec appelle surtout à une meilleure communication entre les sociétés de transport et les autorités municipales.

Une tournée de sensibilisation auprès des sociétés de transport et des décideurs politiques est prévue après la publication de l’étude, dès ce mercredi. « On veut faire connaître cette nécessité de se parler entre acteurs, de mieux s’arrimer pour trouver des solutions et inverser cette tendance », conclut Mme Doyon.

Jointe au téléphone, la directrice de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, espère aussi que cette étude contribuera à faire évoluer les mentalités de ce côté, surtout chez les décideurs politiques et organisationnels.

« Si ça peut faire en sorte qu’on pense à cet aspect-là quand on planifie les projets de transport collectif et à collaborer avec les arrondissements, ça serait déjà beaucoup. Je pense qu’on veut vraiment arriver à des projets qui sont planifiés de façon intégrée pour répondre aux besoins des citoyens sur l’ensemble des déplacements. Il faut le viser », conclut Mme Cabana-Degani.