L’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension se prépare à son tour à implanter un vaste plan d’apaisement de la circulation. Dos d’âne, intersections surélevées, saillies de trottoir et sens uniques verront bientôt le jour, quatre ans après la mort d’une piétonne devant une école, qui avait marqué les esprits.

« On veut vraiment diminuer le transit de l’autoroute 40 dans notre quartier. Partout, c’est une réalité pour les résidants, explique à La Presse la mairesse de l’arrondissement, Laurence Lavigne Lalonde. On le sent partout à Montréal : il y a de plus en plus de véhicules et de trafic. Les gens sont donc plus impatients. Bref, à tous les coins de rue, on voit des gens qui font leur arrêt à moitié. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Laurence Lavigne Lalonde, mairesse de l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

À court terme, le plan touchera surtout le centre de l’arrondissement, à savoir le quartier Villeray. Saint-Michel y aura ensuite droit. L’exercice a déjà été fait dans Parc-Extension. « Ce qui s’en vient, c’est au moins une soixantaine de dos d’âne, énormément de saillies de trottoirs, des réductions de vitesse sur certaines rues et quelques changements de sens, là où c’est nécessaire », soutient Mme Lavigne Lalonde.

L’opération, qui résulte de plusieurs mois de consultations et d’études, mettra toutefois un peu de temps à se faire sentir concrètement. « Dès le printemps, on va commencer à voir tranquillement des mesures se mettre en place, mais après, pour couvrir tout l’arrondissement, avec la quantité de choses qu’on doit faire, c’est sûr que ça va prendre quelques années encore », affirme l’élue.

On voulait agir moins à la pièce et être au-devant des demandes. L’idée, c’est vraiment de réfléchir à la sécurité de façon plus large et d’apaiser tout le secteur.

Laurence Lavigne Lalonde, mairesse de l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Quatre ans après un évènement tragique

Tout cela survient un peu plus de quatre ans après la mort d’une femme de 79 ans, happée par le conducteur d’un VUS dans le quartier Villeray, à l’intersection des rues Lajeunesse et de Liège.

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Intersection des rues Lajeunesse et de Liège, dans le quartier Villeray

C’était le 4 janvier 2020. Rosa Presta, une résidante du quartier depuis plus de 30 ans, est morte tragiquement. Ses proches pensent qu’elle se rendait peut-être à l’épicerie quand elle a traversé la rue Lajeunesse, vers 17 h. Au même moment, un conducteur au volant d’un VUS effectuait un virage à gauche depuis la rue de Liège, heurtant au passage la dame de plein fouet.

À l’époque, un ami proche de la famille, André Aubin, avait lancé un cri du cœur en appelant les conducteurs à ralentir et à être attentifs lorsqu’ils exécutent des virages.

Lisez l’article « “Elle rappelait à ses enfants d’être prudents en traversant la rue” »

La coroner Géhane Kamel avait recommandé, peu après les faits, dans un rapport, d’implanter une « phase exclusive » permettant aux piétons de traverser la rue sans côtoyer de voitures. Selon Mme Kamel, les risques d’impact entre Mme Presta et l’automobiliste « auraient sans aucun doute diminué » avec une telle mesure, qui aurait réduit l’interaction potentielle avec un automobiliste à la source.

Depuis le printemps dernier, ce coin de rue bénéficie bel et bien d’une traversée exclusive aux piétons. Les temps de traverse ont également été allongés le printemps dernier. « On a récemment bonifié les mesures qui avaient été mises en place suite à l’accident, mais on ne s’est pas arrêtés là. On va ajouter une mise à sens unique, des saillies et des dos d’âne à proximité », précise la mairesse d’arrondissement.

Vitesse et piliers de pare-brise

Cela dit, la mort de Mme Presta illustre que plusieurs autres facteurs sont à considérer. D’après la coroner, « la thèse la plus probable de l’accident […] est que le conducteur n’ait pas vu Mme Presta dans son angle mort en effectuant son virage à gauche, ayant la vue obstruée par le pilier A du véhicule ».

Partout au Québec, les angles morts créés par les piliers A, ou piliers de pare-brise, sont montrés du doigt dans un nombre croissant de morts, rapportait La Presse en octobre dernier. De l’été 2019 à l’été 2022 à Montréal, pas moins de 10 rapports de coroner ont fait mention de l’obstruction des piliers de pare-brise parmi les causes probables ou avérées d’un accident ayant causé la mort d’un piéton.

Lisez le dossier « Sécurité des piétons : ces angles morts qui fauchent des vies »

Selon la coroner Kamel, la limite de 30 km/h qui est en place dans la rue de Liège demeure aussi « un enjeu », dans la mesure où elle est peu fréquemment respectée. De 2017 à 2020 seulement, pas moins de 764 contraventions avaient été données sur cette artère résidentielle bordant une école primaire, apprend-on dans le rapport de la coroner.

Depuis quelques mois déjà, une prise de conscience collective s’est faite sur la sécurité routière, menant à la mise sur pied récente d’une Stratégie nationale au ministère des Transports, qui ambitionne notamment de doubler les amendes pour des délits commis contre des usagers vulnérables.

L’ensemble des zones scolaires devra aussi dorénavant imposer une limite maximale de 30 km/h, dans l’espoir de réduire le nombre d’accidents près des écoles.

En savoir plus
  • 392
    En juin 2023, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) révélait dans son bilan annuel qu’en 2022, 392 personnes sont mortes sur le réseau routier, le pire bilan dans la dernière décennie à travers tout le Québec.
    Source : SAAQ