Quatre anciens terrains de golf, dont les propriétaires poursuivent la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour plus de 500 millions de dollars parce qu’il leur était interdit de développer leurs terrains, pourront maintenant être convertis en projets résidentiels ou autres sur 30 % de leur superficie, à la suite d’un changement à la réglementation annoncé mardi.

Qu’est-ce qui a été annoncé ?

La CMM a modifié un règlement de contrôle intérimaire (RCI) qui imposait, depuis 2022, un gel du développement sur neuf terrains de golf, fermés ou actifs. Ce RCI avait pour but d’aider la CMM à atteindre son objectif de protéger 30 % des espaces verts sur son territoire d’ici 2030.

Qu’est-ce que ça change ?

Désormais, dix terrains de golf sont sur la liste des espaces protégés, mais cinq d’entre eux pourront développer 30 % de leur territoire, si la municipalité l’autorise. En effet, les villes peuvent encore décider de protéger 100 % de leurs terrains de golf.

Les espaces protégés sur ces dix terrains de golf totalisent 460 hectares, alors que la superficie protégée par l’ancienne mouture du RCI totalisait 474 hectares.

« Pour le 30 % de superficie [non visée par le RCI], elle pourrait être protégée ou achetée par la municipalité, elle peut être utilisée pour d’autres besoins spécifiques comme du logement, une école ou autre, ou alors rester un espace vert », a souligné la mairesse de Montréal et présidente de la CMM, Valérie Plante, en conférence de presse.

Terrains protégés à 70 %

  • Golf de Rosemère (fermé)
  • Club de golf de Candiac (fermé)
  • Club de golf de Mascouche (fermé)
  • Golf Le Boisé, à Terrebonne (fermé)
  • Golf Ste-Rose, à Laval

Terrains protégés à 100 %

  • Club de golf Belœil
  • Club de golf Boucherville
  • Golf Dorval
  • Club de golf St-Lambert
  • Country Club de Montréal, à Saint-Lambert

Pourquoi ce changement ?

Les propriétaires de quatre des cinq terrains de golf qui pourront maintenant se développer à 30 % poursuivent la CMM pour expropriation déguisée, parce que l’ancien RCI les empêchait de réaliser leurs projets immobiliers.

À Rosemère, Quartier Melrose inc. a déposé une poursuite de 278 millions contre la Ville et la CMM. À Candiac, la société 9454-9607 Québec inc., présidée par Minying Wu, réclame 69,2 millions à la municipalité et à la CMM. Du côté de Mascouche, la société 9254-0087 Québec inc., qui appartient à l’homme d’affaires Claude Duchesne, demande 62,5 millions. À Terrebonne, le promoteur Immeubles des Moulins, propriétaire du golf Le Boisé, a déposé une poursuite de 98 millions.

Ces procédures judiciaires mettent des bâtons dans les roues des municipalités qui voudraient acheter certains terrains, souligne Valérie Plante. « Ce n’est pas possible si les administrations locales sont aux prises avec des poursuites et des démarches qui coûtent très cher, qui prennent énormément de temps et qui peuvent causer des retards dans les transactions, » dit-elle.

Les changements au RCI mettront-ils fin aux poursuites ?

Ce n’est pas certain. Nous avons contacté les avocats représentant les promoteurs qui ont déposé ces poursuites, et trois d’entre eux nous ont répondu qu’ils ne pouvaient faire de commentaires puisque des analyses plus approfondies des changements étaient nécessaires.

Comment a-t-on choisi la proportion de 30 % qui ne sera plus protégée ?

Elle est basée sur une décision rendue en octobre dernier par un juge de la Cour supérieure, dans un litige opposant la Ville de Léry à des propriétaires de terrains situés dans le corridor vert Châteauguay-Léry. À cet endroit, le règlement de zonage permet aux propriétaires de développer 30 % de leur terrain, tandis que le reste doit demeurer en espace vert.

Le jugement a donné raison à la Ville et à la MRC du Roussillon, en statuant que les propriétaires n’étaient pas victimes d’expropriation déguisée parce que la limite de 30 % était « raisonnable ». Il a cependant été porté en appel par les propriétaires ; la cause sera entendue en février par la Cour d’appel.

Pourquoi la liste des terrains de golf protégés a-t-elle changé ?

Deux terrains de golf de Saint-Lambert se sont ajoutés. Cependant, l’ancien golf de Chambly a été retiré de la liste puisque la Ville a conclu une entente tripartite pour acheter 70 % du terrain, pour 6 millions, afin d’en faire un parc. Le reste de l’espace deviendra un nouveau quartier résidentiel où 500 logements seront construits.

Comment réagissent les écologistes ?

La porte-parole de la Coalition des terrains de golf en transition (CTGT), Catherine Vallée, se dit déçue de voir que la CMM a reculé devant « des poursuites par les propriétaires pour des montants exorbitants, qui sont insécurisantes et intimidantes ».

Selon elle, les modifications récemment apportées à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permettent de protéger ces espaces verts en totalité, quand il s’agit de milieux humides ou hydriques ou d’un milieu qui a une valeur écologique importante.

Avec Éric-Pierre Champagne, La Presse