Ils sont les yeux du métro, mais aussi ceux qu’on n’y voit jamais. Toutes les nuits, des centaines d’employés de la Société de transport de Montréal (STM) s’affairent à réparer les problèmes de la « colonne vertébrale » de la mobilité de la métropole. Et ils ont entre trois et quatre heures, parfois moins, pour parer au plus urgent. La Presse a passé une nuit sous terre avec l’une de ces équipes.

« Tout ce que vous voyez ici, c’est pensé pour optimiser le temps. Il faut que ça roule le plus vite possible, parce qu’on sait qu’on a un temps limité. On n’a pas une minute à perdre », explique le contremaître et responsable d’équipe Mathieu Laurin.

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Le contremaître Mathieu Laurin

Nous sommes aux ateliers Youville, l’un des trois cerveaux du métro, dans Ahuntsic-Cartierville. À 1 h, chaque nuit, lorsque les derniers trains quittent chaque bout de ligne, des dizaines de camions d’entretien partent d’ici. Les ouvriers ont alors jusqu’à 5 h pour effectuer les travaux les plus pressants, mais doivent parfois rentrer un peu plus tôt afin d’éviter tout retard avec la réouverture, en fonction de la position où ils se trouvent. Au total, jusqu’à 400 personnes sont en activité sur une centaine de chantiers.

Tout près de la station Henri-Bourassa, deux ouvriers s’affairent à remplacer des panneaux d’étanchéité sur la voûte du métro, qui renvoie l’eau vers des rigoles, un petit conduit protégeant le métro de fuites.

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Deux ouvriers s’affairent à remplacer des panneaux d’étanchéité sur la voûte du métro.

On a énormément d’infiltrations d’eau ici. Pour nous, c’est un fléau. Ça endommage la structure même du métro et nos équipements aussi. Ça peut même affecter le service si ça fuit pendant la journée.

Jean-Philip Cimon, contremaître

En avril dernier, de profondes fissures apparues dans cette voûte de tunnel, entre les stations Berri-UQAM et Saint-Laurent, avaient causé la fermeture de la ligne verte pour une durée indéterminée. « Ça, pour nous, c’est le genre de situation qui a nécessité toute notre attention en urgence, mais qu’on veut aussi éviter le plus possible », dit M. Cimon.

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Le contremaître Jean-Philip Cimon

Il sourit quand il pense aux futures stations du prolongement de la ligne bleue, vers Anjou, qui devraient être « beaucoup plus étanches » et donc plus faciles à entretenir. « Les technologies ont évolué et on sait que ça va énormément changer. Bientôt, on aura beaucoup moins de problèmes d’infiltration. »

Un métro vieillissant

Non loin de là, plusieurs autres travailleurs sont occupés à remplacer des « selles de rail », une pièce servant essentiellement à tenir le rail en place et à isoler son alimentation en électricité. Depuis 2016, la STM en retape environ 3000 par année, par petits bouts les plus critiques. « On a plus de 300 000 selles à réinstaller. C’est vraiment un travail de longue haleine. Ça devrait nous prendre 30 ans », lâche Mathieu Laurin.

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Des travailleurs remplacent des « selles de rail ».

« Bref, on a vraiment une diversité de travaux, du plus au moins urgent. Certains sont à haut risque, d’autres non. Quand on remplace des vis de roulement, par exemple, on sait qu’on enlève des pièces qui sont essentielles à la circulation des trains. On n’a pas le droit à l’erreur », poursuit-il.

Les contremaîtres sont ceux qui le voient le plus concrètement : le métro de Montréal vieillit rapidement. « Les problématiques de béton fissuré, par exemple, sortent de plus en plus. Il n’y a rien qui est dangereux, mais avec le temps, si on laisse ça aller, ça va devenir plus critique », évoque l’un d’eux, Frédéric Paradis, alors que nous passons à la station Crémazie.

  • La Presse a eu accès aux ateliers d’entretien des voitures de métro, aux ateliers Youville

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    La Presse a eu accès aux ateliers d’entretien des voitures de métro, aux ateliers Youville

  • Les installations sont pensées pour optimiser le temps de réparation et d’entretien.

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    Les installations sont pensées pour optimiser le temps de réparation et d’entretien.

  • Des dizaines de pièces de trains et de bus sont entretenues chaque jour.

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    Des dizaines de pièces de trains et de bus sont entretenues chaque jour.

  • Les essieus de ce wagon étaient en cours d’entretien durant notre visite.

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    Les essieus de ce wagon étaient en cours d’entretien durant notre visite.

  • Ces ouvriers s’affairent aux ateliers Youville.

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    Ces ouvriers s’affairent aux ateliers Youville.

  • Cette équipe d’ouvriers effectue un entretien de la voie de la station Henri-Bourassa.

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    Cette équipe d’ouvriers effectue un entretien de la voie de la station Henri-Bourassa.

  • L’équipe pose des pièces sur la voie de la station Henri-Bourassa.

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    L’équipe pose des pièces sur la voie de la station Henri-Bourassa.

  • Les ateliers sont accessibles par les tunnels du métro.

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    Les ateliers sont accessibles par les tunnels du métro.

  • Tous les employés rencontrés sont d’accord sur un point : le métro aura besoin d’investissements majeurs dans les prochaines années pour éviter le pire.

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    Tous les employés rencontrés sont d’accord sur un point : le métro aura besoin d’investissements majeurs dans les prochaines années pour éviter le pire.

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Tous les employés rencontrés sont d’accord sur un point : le métro aura besoin d’investissements majeurs dans les prochaines années pour éviter le pire.

« En ce moment, juste sur le plan de nos équipements, ça se dégrade et on n’arrive pas à les entretenir assez rapidement pour les remplacer. D’ici quelques années, on va arriver à un point où ça va être vraiment une urgence », soutient Jean-Philip Cimon.

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Outils, ponts roulants, multiples pièces de rechange à portée de main : aux ateliers Youville, les postes de travail sont pensés pour être efficaces.

Des milliards à investir

Pour le président de la STM, Éric Alan Caldwell, qui a fait la visite avec La Presse, les investissements dans le maintien des actifs du métro de Montréal se chiffrent en milliards dans les prochaines années. Et il espère que le gouvernement, qui finance jusqu’ici environ 85 % de la facture, sera au rendez-vous.

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Le président de la STM, Éric Alan Caldwell

« Il ne faudrait pas tenir le métro pour acquis. Si on veut faire un autre cycle de 50 ou 60 ans, il faut amener les investissements requis. On a eu un boom au Québec pour nos ouvrages de génie civil dans les années 1960-1970. Et là, il y a comme une deuxième vague d’investissements avec le tunnel La Fontaine, l’échangeur Turcot, le pont Champlain. Il faut faire la même chose dans notre réseau », souligne-t-il.

Non seulement la cadence des investissements devra s’accélérer, mais surtout, la STM « doit être en mesure de confirmer des investissements à long terme pour avoir une vue sur ce qui s’en vient », persiste M. Caldwell. « Ça prend un wake-up call à un moment donné. C’est un rendez-vous qu’on ne peut pas manquer. Si on arrive trop en retard, c’est la qualité du service qui va en pâtir », conclut-il.

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Voitures de métro en cours d’entretien

Son cri du cœur survient alors que s’amorceront bientôt de nouvelles négociations en vue de la mise sur pied d’un cadre de financement « récurrent et prévisible » sur cinq ans dans le transport collectif, un mandat que s’est donné la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Les discussions à court terme, pour 2024, s’étaient terminées abruptement en décembre dernier, après des semaines de négociations sur la place publique.