Les crimes commis avec des armes à feu ont certes diminué à Montréal, mais le reste de la criminalité continue néanmoins à augmenter dans la métropole. Le nombre de voies de fait, de vols, de fraudes et de méfaits a bondi dans la dernière année, selon des chiffres obtenus par La Presse.

Crimes en hausse de 11 %

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a annoncé la semaine dernière avoir réussi à réduire la violence armée de 26 % dans la dernière année, avec en premier lieu les homicides. Les succès de la lutte contre les armes à feu occultent toutefois le reste des crimes qui continuent quant à eux de progresser. Une compilation des données préliminaires des 29 postes de quartier (PDQ) montre que, dans leur ensemble, les crimes contre la personne et contre la propriété ont augmenté de 11 % en 2023. Cette hausse de la criminalité se fait d’ailleurs ressentir dans les centrales d’urgence, le nombre d’appels au 911 ayant bondi de 8 % l’an dernier. Le SPVM a préféré se montrer prudent face à ces données, soulignant qu’elles sont « préliminaires » : le bilan final pour 2023 sera publié dans les prochains mois. Cela dit, « des mesures sont prises sur plusieurs plans, notamment [sur le plan] de la répression et de la prévention » pour s’attaquer à toutes les formes de criminalité, assure Mélanie Bergeron, porte-parole du SPVM.

Deux fois plus de voies de fait et de fraudes

Deux crimes en particulier connaissent une forte progression, le nombre de voies de fait et de fraudes ayant doublé depuis 10 ans. L’an dernier, le SPVM a dû intervenir dans tout près de 50 cas de voies de fait chaque jour en moyenne, ce qui en fait le crime contre la personne le plus fréquent dans la métropole. Davantage ciblées, les fraudes en tous genres ont aussi nettement augmenté. Si en 2010, on recensait à peine 5200 cas, ce nombre est passé à plus de 10 330 en 2023. « Les fraudes commises avec des cartes de service, comme les cartes bancaires, pourraient être en grande partie responsables de l’augmentation observée. Les fraudeurs ont également recours à des techniques de plus en plus sophistiquées, notamment en ce qui concerne l’hameçonnage », souligne Mélanie Bergeron.

Au-delà des vols de voitures

Les vols de voitures ont beaucoup fait les manchettes ces dernières semaines, mais c’est l’ensemble des vols qui affiche de fortes hausses. Le SPVM a enregistré plus de 25 000 « vols simples » l’an dernier (en hausse de 7 %) et plus de 3000 vols qualifiés (+ 26 %). L’augmentation la plus impressionnante reste néanmoins celle des vols de véhicules. Près de 12 000 véhicules ont été dérobés à leur propriétaire l’an dernier, contre moins de 10 000 en 2022. « Il est possible que l’inflation ait eu une influence sur les augmentations observées », estime Mme Bergeron au sujet des vols qualifiés et introductions par effraction. « La hausse du coût de la vie et la précarité financière qu’a entraînées l’inflation ont possiblement encouragé certaines personnes à commettre des vols. Cependant, il ne s’agit que d’une hypothèse », soutient-elle.

Le bilan routier s’améliore

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Le bilan routier semble s’améliorer à Montréal.

Malgré la hausse globale des crimes, une lueur d’espoir demeure toutefois sur le plan de la sécurité, puisque le bilan routier semble en effet s’améliorer. Le corps policier montréalais rapporte 27 décès et 118 blessés graves en 2023, contre 30 décès et 125 blessés graves l’année précédente. Les données indiquent que le SPVM semble avoir serré la vis aux chauffards. La quantité d’automobilistes épinglés pour conduite dangereuse a plus que doublé en 2023, passant de 177 à 390 cas en l’espace d’une année.

Trop d’attention aux armes à feu ?

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La police a sans doute « mis de l’énergie » en ciblant la violence armée, estime une avocate spécialisée en droit criminel.

Pour l’avocate spécialisée en droit criminel MNada Boumeftah, les chiffres de La Presse démontrent « que le SPVM a probablement mis de l’énergie sur un type de crime très ciblé, à savoir la violence armée ». « C’est en soi très noble, mais en même temps, les policiers ne devraient délaisser aucun crime et ne jamais mettre l’énergie principale sur un seul crime. Le crime ne dort jamais, peu importe la nature, et si les autres crimes continuent d’augmenter pendant ce temps, alors il faut se poser de sérieuses questions », soutient-elle. La juriste affirme que la « police doit pouvoir faire son travail sans embûches », qu’elles soient politiques ou réglementaires, « en s’assurant que tous les enquêteurs et les patrouilleurs aient les ressources nécessaires, peu importe leur affectation ».

Avec Pierre-André Normandin, La Presse