La situation de la famille qui vit depuis trois semaines sous une autoroute de Montréal est « inacceptable » et tout sera fait pour lui offrir les services dont elle a besoin, dit le responsable de l’itinérance au comité exécutif de la métropole. À Québec, le cabinet de la ministre de l’Habitation a aussi demandé un « suivi de manière urgente ».

« C’est une situation qui est inacceptable. C’est une famille, il y a une femme enceinte, il y a des problèmes de santé mentale », dit le conseiller municipal et responsable de l’itinérance dans l’équipe de la mairesse de Montréal, Robert Beaudry.

Jeudi, La Presse racontait l’histoire d’une famille de six personnes, dont une jeune femme de 18 ans, déficiente légère et enceinte de sept mois, et une femme souffrant de déficience intellectuelle sévère, qui campe sous l’autoroute Métropolitaine1.

Ils sont à la rue depuis janvier. Après avoir squatté le Stade olympique, puis vécu dans un refuge mixte du quartier Villeray, ils se sont retrouvés sous des tentes.

Ayant un mauvais dossier de crédit et des antécédents de défaut de paiement au Tribunal administratif du logement (TAL), ils disent avoir répondu à 150 annonces et visité quelque 50 appartements, mais n’avoir reçu aucune réponse.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Dans l’ordre : Médérick Huard, Nikyta Frereault-Leclerc (enceinte de sept mois), son amoureux Pascal Cauvier et la matriarche de la famille, Mélanie Leclerc

Des places ont été offertes par des organismes sanitaires à la jeune femme enceinte, qui refuse de se séparer de ses proches.

L’opposition municipale « bouche bée »

Une intervenante de proximité en itinérance du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal dit par ailleurs avoir contacté la Ville pour obtenir de l’aide de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) et demander pour la famille un hébergement temporaire d’urgence le temps que les démarches aboutissent, sans succès. L’OMHM avait indiqué mercredi à La Presse ne pas avoir de trace de cette demande.

Une réponse qui surprend l’opposition officielle à l’hôtel de ville. « Je suis bouche bée face à la réponse de l’Office municipal d’habitation de Montréal, a réagi jeudi Julien Hénault-Ratelle, porte-parole d’Ensemble Montréal en matière d’habitation. Cette famille a un besoin urgent et immédiat d’un toit. La Ville de Montréal donne plusieurs millions de dollars par année à l’OMHM afin d’offrir des services d’aide à l’hébergement d’urgence pour les familles à risque d’itinérance, et quand les locataires appellent, leur dossier tombe entre deux chaises : c’est totalement inacceptable. Combien d’autres locataires sont laissés à l’abandon ? »

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Pascal Cauvier, Médérick Huard et Nikyta Frereault-Leclerc

Dans la foulée du reportage, le cabinet de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a demandé à la Société d’habitation du Québec de « faire un suivi de manière urgente auprès de cette famille » et pressé l’OMHM de la contacter, ce qui a été fait. Une rencontre est prévue ce vendredi.

L’équipe du comité exécutif de la Ville de Montréal a aussi entrepris des démarches afin que des services adaptés soient offerts aux membres de la famille.

Ces gens ont plusieurs vulnérabilités. C’est une illustration des situations de plus en plus complexes [qu’on observe à Montréal]. Des enjeux de santé mentale, des travailleurs pauvres qui se retrouvent dans les refuges, des familles.

Robert Beaudry, conseiller municipal et responsable de l’itinérance à la Ville de Montréal

« On a besoin de plus de logements communautaires, de logements pour les familles. Il faut offrir des logements qui sont adaptés à ces types de populations », dit M. Beaudry, ajoutant que tous les ordres de gouvernement, provincial, fédéral et municipal, doivent s’impliquer.

Des locataires peu attractifs

Avec son absence de crédit et son passé de mauvais payeur – elle a été condamnée par le TAL à rembourser des milliers de dollars en loyer impayé –, cette famille est peu attractive pour les propriétaires. Cela complique beaucoup ses recherches.

Éric Sansoucy, président de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, estime qu’il faut une solution de rechange « pour des gens qui ont du mal à prendre soin d’eux-mêmes et d’un logement ». « Ils doivent être pris en charge par l’État, avec du logement social. Mais il en manque. Alors ça finit dans les mains des propriétaires privés », déplore-t-il.

« On ne peut pas demander aux propriétaires de prendre cette responsabilité-là. Les propriétaires privés ne sont pas toujours outillés pour accompagner ces gens-là et ils n’ont pas les moyens d’endosser des logements impayés. »

La majorité des propriétaires possèdent de petits plex, ils travaillent et ils souffrent de la hausse des taux d’intérêt, note M. Sansoucy, qui parle d’une « situation intenable ». « On est devant un grave problème. »

1. Lisez l’article « Crise du logement : une famille sous l’autoroute »