Malgré un nombre record de démantèlements à Montréal, le commissaire aux personnes en situation d’itinérance pour la métropole, Serge Lareault, assure que ces opérations se font de manière humaine et graduelle.

La gestion des campements semble varier d’un arrondissement à l’autre. Quelle est leur approche ?

Tout le monde a pas mal la même approche. Ce n’est pas une question d’aller déterminer systématiquement où il y a des tentes et combien il y en a. Lorsqu’il y a des signalements, la première chose qui est faite par l’arrondissement, c’est de regarder la dangerosité. À un moment donné, il y avait une tente avec des bonbonnes de propane sous une voie ferrée où passaient des trains-citernes. S’il y a une dangerosité immédiate, il y a une réaction très immédiate de la police ou du service incendie. La deuxième étape, c’est de mettre la personne en lien avec des organismes pour l’aider. Si l’arrondissement sent que nos intervenants vont réussir au bout de quelques semaines [à les orienter vers des ressources], il peut y avoir une tolérance. La Ville et les employés municipaux essaient réellement d’être humains, graduels et de trouver cet équilibre-là où, à la fois, il faut respecter les règlements municipaux [et les besoins] de ces personnes. Parfois ça peut aller vite, parfois ça peut être long.

Y a-t-il assez de places à Montréal pour héberger ces gens-là ?

Mon impression c’est que non. Mais c’est vraiment au niveau de l’évaluation des CIUSSS et du ministère de la Santé et des Services sociaux de répondre à la demande [de places]. Nous, on est en appui. Notre rôle principal, c’est [de réagir] quand le ministre ou quand le CIUSSS nous dit : « Moi, j’ai tant de financement pour ouvrir des places, nous, on cherche des immeubles sur le territoire. »

On considère qu’il faudrait encore ouvrir des places. On considère surtout qu’il faudrait rapidement créer du logement. Moi, je fais la tournée des refuges constamment et il y a des gens qui sont là depuis huit mois, neuf mois, un an. Et ils attendent encore un logement. Je ne pourrais pas évaluer combien de centaines de personnes pourraient demain matin libérer les places en refuge [s’ils avaient un logement] puis créer de la place pour d’autres personnes.

Beaucoup de gens ne veulent pas aller en refuge, parce qu’ils ont des animaux, parce qu’ils consomment, pour toutes sortes de raisons. Qu’est-ce qu’on fait avec ces gens-là, qui campent, qui voient leur campement démantelé, qui se déplacent, qui sont redémantelés ?

Il faut développer de l’hébergement qui est adapté à ces personnes-là. J’ai parlé à des centaines de campeurs depuis quatre ans. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles ils ne vont pas dans les refuges. En ce moment, il y a des drogues chimiques très, très fortes qui désorganisent les gens pendant des heures. Ils ne sont pas capables de se maintenir dans les refuges. Dans les outils que nous demandons au gouvernement du Québec, ce sont des refuges adaptés à cette clientèle. Après ça, oui, il y a des cas d’exception. Il n’y a plus autant de sans-abri qui ont des chiens, mais il y en a quand même. Puis on voit de plus en plus de couples. Et le réseau d’hébergement d’urgence à Montréal et dans bien d’autres villes, c’est souvent constitué de refuges pour hommes et de refuges pour femmes.

Vous sentez-vous outillé, avec les chiffres actuels sur l’itinérance à Montréal et la situation des refuges, qui sont clairement incomplets ou parcellaires, pour faire des démarches auprès du gouvernement et pour demander de l’argent ?

C’est un des grands enjeux de l’itinérance. C’est la population la plus difficile à recenser. C’est pour ça qu’on a créé, il y a 25 ans, le dénombrement ponctuel. C’est actuellement l’outil le plus scientifique et [il n’est] pas toujours parfait. Mais c’est à peu près le seul outil qui nous permet d’avoir une idée de l’itinérance visible, puis de l’urgence quotidienne. Encore là, je ne veux pas nécessairement lancer la [pierre] au réseau de la santé, mais c’est toutes des clientèles vulnérables qui relèvent d’organismes qui sont financés par la santé, [alors] c’est certain que les villes, on demande au gouvernement du Québec de nous aider à mieux recenser cette population-là.