Soupe de python ou de varan, braisé de vipère ou de crocodile: les reptiles en tous genres sont la spécialité du «restaurant du zoo» d'Abidjan, où habitués et curieux viennent chaque jour goûter «la chair tendre».

«J'ai ouvert ce restaurant pour rompre avec la monotonie», explique à l'AFP «chef Félix» dans cette gargote à l'air libre, ouverte depuis cinq ans à Yopougon, un immense quartier populaire de la capitale économique ivoirienne.«Dans nos villages, on mange la vipère, le pangolin (mammifère à écailles) et autres. Il faut revaloriser la cuisine africaine», affirme cet ancien inspecteur qualité chez un fabricant de textile, à la quarantaine révolue.

Du lundi au dimanche, avec sa douzaine de salariés, dont trois cuisinières, Félix Boussin propose à ses clients une gamme variée de rongeurs, reptiles et autres espèces, à 3.000 FCFÀ le plat (4,5 euros).

«Ici, il y a tout ce que vous voulez: agouti, biche, chat huant, crocodile, écureuil, paresseux, python, sanglier, tortue, singe, vipère...», assure le maître de ce vaste espace de 1.200 mètres carrés, parsemé d'arbustes sauvages et fruitiers, et baptisé «resto du zoo» par clin d'oeil.

Pour annoncer la couleur, un crocodile, un bébé alligator et une biche nourrie au lait, tous vivants, sont exposés dans des cages bien protégées.

«Ceux-là, ce n'est pas pour la cuisine», souligne-t-il toutefois.

Comment le chef s'approvisionne-t-il en nourritures si singulières? L'intéressé préfère rester évasif sur son «secret».

«J'ai mon circuit d'approvisionnement. Ca vient de partout (en Côte d'Ivoire) et quand il y a rupture de stock, ça ne dure pas trois jours».

Au menu du jour, une vipère d'un mètre, un lynx et un jeune crocodile. Tous ont été livrés morts. «Les serpents et les autres animaux dangereux sont tués en brousse avant d'être acheminés ici», raconte Félix. «On ne veut pas prendre de risque».

Avant d'être découpées en menus morceaux, les bêtes sont laissées au soin d'un septuagénaire filiforme au visage émacié: il se charge de les débarrasser de leur peau en les plongeant dans les flammes d'un grand feu de bois.

Puis Félix tranche lui-même les morceaux, cuisinés sans huile de table «pour préserver le goût naturel».

«Si je dis que je n'ai pas bien mangé, c'est que j'ai menti», sourit un nouveau client, cure-dent dans la bouche, après avoir dégusté un plat de crocodile.

«Le goût est spécial», dit-il, cherchant les mots pour qualifier ce «délice».

Attablés à l'ombre d'un arbre, Ahmed et son ami Koffi, eux, ont préféré à leur traditionnel braisé de vipère une soupe de chat domestique accompagnée de riz et d'attiéké, le couscous local fait à base de manioc.

«La chair du chat est tendre. C'est un peu comme la viande de lapin, mais c'est plus doux», décrit Ahmed, sirotant du vin rouge entre deux bouchées.

Le succès du restaurant, qui accueille selon Félix des «Européens et beaucoup d'officiers» de police et de l'armée, lui vaut désormais de la concurrence.

«Vous allez voir beaucoup de photocopies à Abidjan, prévient-il, mais l'original, c'est ici».