«Si vous trouvez moins cher ailleurs, nous remboursons la différence plus 30 euros!» La pub d'un magasin d'électroménager? Non, d'un entrepreneur de pompes funèbres de Berlin, qui illustre le succès en Allemagne des obsèques à rabais.

Leur nombre est passé de 16% du total des funérailles en Allemagne en 2009 à 20% en 2010, et devrait atteindre 26% en 2011, selon le site internet spécialisé Bestattungen.de, qui définit par «rabais» des obsèques à moins de 1200 euros.

Le prix moyen d'un enterrement «classique» en Allemagne oscille entre 2800 et 3500 euros, le double avec la concession au cimetière et l'entretien de la sépulture, selon la Fédération allemande des pompes funèbres.

La société berlinoise «Sargdiscount» («Cercueildiscount»), celle qui met au défi de «trouver moins cher ailleurs», propose des obsèques «à partir de 479 euros».

Ce tarif est réservé aux commandes par téléphone. Il s'agit d'une crémation en République tchèque, sans cérémonie, ni sépulture: les cendres sont versées à la fosse commune, sauf si la famille est prête à payer plus.

«Des gens se retrouvent obligés par la loi d'enterrer leur père, avec qui ils n'ont plus de contacts depuis 20 ans. Ils ne veulent pas payer des milliers d'euros, ça se comprend. Tout se fait par téléphone, par fax, par mail», explique à l'AFP le patron, Hartmut Woite.

Selon l'étude de Bestattungen.de, la première raison invoquée pour commander des funérailles bon marché est «une relation familiale distante» (58%), «l'éloignement géographique» (47%), et «des ressources économiques insuffisantes» (41%).

«La seule chose qui dérange mes clients, c'est le nom de mon entreprise», affirme le patron de «Cercueildiscount», qui dit avoir «introduit de la transparence dans une branche trop secrète».

«Ce n'est pas de transparence qu'il s'agit. Moins de 500 euros, cela ne couvre même pas les coûts. Soit il y a des frais cachés, soit le corps est traité sans dignité», réplique Rolf Lichtner, porte-parole de la Fédération allemande des pompes funèbres.

«La dignité n'a rien à voir avec l'argent», assure Patrick Schneider, présent dans toute l'Allemagne avec sa société «Aarau», et qui propose à Berlin des funérailles à 499 euros.

Il explique ses tarifs par des économies d'échelle: «Je ne commande pas les cercueils par dizaines, mais par centaines. J'ai des tarifs préférentiels au crématorium car je suis un bon client».

Pour l'interview, M. Schneider, homme affable à la barbe blanche soignée et tout de noir vêtu, reçoit à la campagne dans une bâtisse cossue, meublée d'antiquités. Il y organise des funérailles sur mesure pour les clients plus fortunés.

L'endroit contraste avec le bureau berlinois d'Aarau. Sous de grands panneaux noir et parme «Obsèques à 499 euros,» c'est une pièce sommaire, où la seule note de couleur est le catalogue d'urnes funéraires sur une table basse.

«Cela importe peu pour les clients que mon bureau soit en bois un peu égratigné ou couvert de marbre», assure la gérante Yvonne Holke. «Les gens sont contents, certains ont déjà organisé trois enterrements avec nous», assure cette jeune femme souriante.

Ce succès déplaît aux concurrents, reconnaît son patron. «Je reçois en permanence des plaintes pour publicité mensongère», explique Patrick Schneider.

«Certains clients arrivent chez moi parce qu'ils ont osé demander à une société le prix du cercueil et qu'on n'a rien trouvé de mieux à leur répondre que 'Qu'est-ce que ça peut faire, vous ne voulez tout de même pas enterrer votre mère dans une caisse?'» s'indigne-t-il.

Dagmar Hänel, anthropologue à l'université de Bonn, n'en jette pas moins un regard «critique» sur cette évolution.

Dans le pays des géants du discount Aldi et Lidl, où la pingrerie a été érigée en slogan publicitaire par les magasins d'électroménager Saturn («Être radin, c'est trop bien»), «la quête du bon marché, du facile, du jetable, n'épargne plus les enterrements», dit-elle à l'AFP.

«En parallèle nous avons aussi un bond des enterrements très individualisés, parfois très onéreux», organisés par des familles «plus riches et plus éduquées», ajoute la chercheuse, qui conclut: «Dans les obsèques, la lutte des classes gagne du terrain».