Guillaume Parisien touche son épaule droite pendant son témoignage. Encore aujourd’hui, il ressent une douleur. C’est à cet endroit que son ami Denis Blanchette lui est tombé dessus après avoir été tué par Richard Henry Bain. Attaques de panique, cauchemars, alcoolisme : le survivant de l’attentat du Métropolis vit toujours un calvaire.

« J’aurais pu faire beaucoup plus pour Denis. J’aurais pu au moins le battre [Bain]… Le fait d’avoir fait rien, ça me fait sentir vraiment, vraiment, triste à jamais », a témoigné Guillaume Parisien mardi au procès des survivants du Métropolis au palais de justice de Montréal.

Comme plusieurs de ses collègues, le technicien de scène a frôlé la mort, le soir du 4 septembre 2012 au Métropolis. Il réclame, avec trois autres survivants, 600 000 $ à la Sûreté du Québec et au Service de police de la Ville de Montréal pour le manque de sécurité lors de l’évènement soulignant l’élection du Parti québécois.

À la barre des témoins, Guillaume Parisien gesticule et joue nerveusement avec un crayon. Verbomoteur, il multiplie les blagues avec un langage empreint de jurons. Mais quand il est question de l’attentat et de ses souffrances, il devient un homme de peu de mots.

« Tout allait bien… j’entends un [bruit d’explosion], le sac à dos de Denis éclate. Il y a un feu. Denis me tombe dessus, il tombe à terre. Oh fuck ! Un dude habillé un peu comme un fou, en robe de chambre et cagoule avec un gros fucking fusil ! Il a failli me tuer », raconte d’un trait Guillaume Parisien.

« Je le laisse tomber [Denis] et je cours… C’est la terreur absolue », lâche-t-il.

À ce moment-là, Guillaume Parisien savait que Denis Blanchette était mort. Mais encore aujourd’hui, il regrette de l’avoir abandonné à son sort.

Guillaume Parisien ne digère pas non plus l’absence totale de sécurité à l’arrière du Métropolis. « Il n’y avait tellement pas de policiers qu’on aurait pu fumer un bong sur une bagnole », s’exclame-t-il en contre-interrogatoire.

Pourtant, il aurait été si facile de « sécuriser » les deux entrées de l’immeuble. « Il y a l’avant et l’arrière. C’est tellement ridicule ! Il y a même plus de sécurité au fucking cinéma ! », s’insurge-t-il.

« Quand ton cœur va exploser »

C’est seulement en 2015, en consultant un expert, que Guillaume Parisien réalise que ses souffrances sont peut-être liées au Métropolis. « J’étais très surpris », assure-t-il. En interrogatoire, son avocate doit insister pour qu’il réussisse à mettre des mots sur ses souffrances.

« J’envoyais chier beaucoup de personnes… Quand ton cœur va exploser… Beaucoup d’émotions très négatives, et stressantes… et violentes », tente-t-il de décrire.

« Ça m’a causé beaucoup de stress, de frustration, de palpitations… Je me soûle souvent la gueule pour me calmer les nerfs. J’aime pas en parler… », enchaîne-t-il.

Chaque semaine depuis 10 ans, il souffre d’une attaque de panique, finit-il par ajouter. Il a aussi des cauchemars si violents qu’il ne peut plus respirer à son réveil.

Depuis l’attentat, Guillaume Parisien a « multiplié de façon exponentielle » sa consommation d’alcool et de drogue. Il a d’ailleurs admis avoir pris de la cocaïne avant et pendant son interrogatoire hors cour en 2018.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Dave Courage, Jonathan Dubé, Audrey Dulong-Bérubé et Gaël Ghiringelli

Son récit est semblable à celui des trois autres demandeurs du recours, Audrey Dulong-Bérubé, Jonathan Dubé et Gaël Ghiringelli. Depuis le début du procès la semaine dernière, tous les quatre ont raconté vivre un enfer depuis l’attentat du Métropolis. Tous les quatre maintiennent qu’il n’y avait aucune présence policière lorsque Richard Henry Bain a ouvert le feu.

Le procès se poursuit toute la semaine devant le juge Philippe Bélanger. Mes Virginie Dufresne-Lemire et Justin Wee représentent les demandeurs.