Après des années de procédures judiciaires, Tony Accurso s’en tire à bon compte : le géant de la construction déchu paiera quelques dizaines de millions seulement pour rembourser les villes de Montréal et Laval, ainsi que le fisc québécois et canadien, qui lui réclamaient plus de 200 millions au total.

Montréal poursuivait l’homme d’affaires et ses entreprises pour 44 millions, conjointement avec l’ancien président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino. Laval réclamait 85 millions à Tony Accurso et à ses entreprises.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Frank Zampino, ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, au palais de justice de Montréal, en septembre 2019

L’entrepreneur controversé avait aussi des réclamations fiscales pendantes auprès de Revenu Québec et de l’Agence du revenu du Canada.

Selon nos informations, il aurait conclu des ententes pour régler tous ces litiges, pour une fraction des montants demandés.

La Ville de Montréal a confirmé que son comité exécutif avait entériné mercredi, à huis clos, une entente de principe avec Tony Accurso. « Il s’agit d’une entente hors cour qui est confidentielle », a simplement indiqué Marikym Gaudreault, attachée de presse du comité exécutif.

Selon des sources bien au fait du dossier, l’entrepreneur aurait fait la même chose pour les autres réclamations. Il ne resterait qu’à s’entendre sur les modalités de paiement.

Collusion

Montréal a déposé en 2019 une poursuite de 30 millions contre Tony Accurso et Frank Zampino, en lien avec la collusion dans l’industrie de la construction, afin de récupérer des fonds publics qui auraient été payés en trop.

Au début des années 2000, des entrepreneurs s’étaient entendus entre eux pour truquer les appels d’offres pour les travaux d’égouts, de conduites d’eau, d’asphalte, de trottoirs et d’autres grands projets, faisaient valoir les avocats de Montréal.

La preuve de la Ville s’appuyait sur le volumineux rapport de la commission Charbonneau, sur des documents de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et sur les enquêtes journalistiques de La Presse publiées en 2009.

Ces enquêtes avaient notamment révélé les liens entre MM. Accurso et Zampino, notamment les voyages de l’ex-numéro deux de la Ville de Montréal sur le luxueux yacht de l’entrepreneur, le Touch.

PHOTO FOURNIE PAR LE TRIBUNAL

Le Touch

En septembre 2018, une première poursuite de 14 millions avait été intentée par la Ville contre les deux hommes, en lien avec la collusion qui avait gonflé le prix du contrat des compteurs d’eau.

Laval, de son côté, avait intenté en 2016 sa poursuite contre Tony Accurso, ses entreprises et des dirigeants des celles-ci. L’ancien directeur du service de l’ingénierie de la Ville, Claude de Guise, était également visé.

Selon les documents judiciaires consultés par La Presse, la somme réclamée s’élevait maintenant à 85 millions.

Accusations criminelles

En 2020, Tony Accurso et quatre de ses entreprises ont plaidé coupable à des accusations criminelles de fraude fiscale et ont écopé d’amendes totalisant 4,2 millions de dollars, à la suite d’une enquête de Revenu Québec en collaboration avec l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Une entente aurait donc été prise avec le fisc québécois pour le remboursement de ces amendes.

Cette condamnation visait trois types de fraudes.

D’abord, des sociétés coquilles auraient produit de fausses factures pendant des années, qui auraient permis de demander de faux remboursements de taxes pour les entreprises liées à M. Accurso.

De plus, l’entreprise Louisbourg, qui faisait partie de l’empire Accurso, aurait acquitté d’importantes dépenses personnelles pour financer le train de vie luxueux de l’entrepreneur, en comptabilisant celles-ci comme des dépenses d’affaires.

Tony Accurso aurait aussi omis de déclarer au fisc des revenus personnels de plus de 7 millions.

L’homme d’affaires a fait face à des accusations criminelles dans trois autres dossiers. Dans un cas, il a été acquitté en 2018 d’avoir contribué à un abus de confiance, pour des faits qui s’étaient produits à Mascouche.

Puis, l’an dernier, il a bénéficié d’un arrêt des procédures pour cause de délais déraisonnables, alors qu’il était accusé d’avoir bénéficié d’un système de corruption à l’Agence de revenu du Canada, avec l’aide de fonctionnaires.

Enfin, à la suite du projet Honorer, une enquête de l’UPAC sur la corruption à la Ville de Laval, M. Accurso a été déclaré coupable, mais il a porté le verdict en appel. Une décision de la Cour d’appel est attendue incessamment dans ce dossier.

Avec Yves Boisvert, Daniel Renaud et Vincent Larouche, La Presse