La saga judiciaire de l’ex-juge Jacques Delisle se poursuit. Le ministère public se tourne vers la Cour d’appel du Québec pour casser l’ordonnance d’arrêt des procédures dont l’homme de 86 ans a bénéficié le mois dernier pour le meurtre de sa femme Nicole Rainville et qui en faisait un homme libre.

Dans une longue décision, le juge Jean-François Émond, de la Cour supérieure du Québec, avait prononcé l’arrêt du processus judiciaire en raison de la violation des droits constitutionnels de Jacques Delisle. Les nombreuses erreurs et la « grave négligence » du pathologiste judiciaire avait mené à cette décision.

Le pathologiste avait en effet omis de conserver et de photographier les coupes du cerveau de la victime, et avait de plus négligé d’effectuer des prélèvements du cerveau concernant les traces du passage du projectile. Une preuve pourtant cruciale, puisque le débat du procès repose essentiellement sur l’angle du tir mortel.

Selon le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), le juge Émond s’est toutefois prononcé « prématurément » sur des questions qui revenaient à un jury de trancher, notamment sur la valeur de cette expertise. Le pathologiste – et témoin-clé de la Couronne – n’a pas commis de « négligence inacceptable », estime le DPCP.

« [Le] juge de première instance opère une confusion entre différents régimes juridiques qui régissent la cueillette, la conservation et la divulgation de la preuve, contribuant ainsi à imposer à l’État des obligations inédites en droit canadien », soutient le DPCP dans un avis d’appel déposé jeudi.

Ancien juge de la Cour d’appel du Québec, Jacques Delisle avait été reconnu coupable en 2012 par un jury du meurtre prémédité de sa femme Nicole Rainville. Paralysée et dépressive à l’époque, celle-ci est morte d’une balle dans la tête en novembre 2009. L’ex-juge soutenait que sa femme avait mis fin à ses jours avec l’arme qu’il lui avait donnée, alors que la Couronne plaidait qu’il avait ouvert le feu. Une preuve balistique complexe portant sur l’angle du tir était au cœur du procès.

Alors que Jacques Delisle avait épuisé tous ses recours en appel, le ministre fédéral de la Justice a exceptionnellement ordonné la tenue d’un nouveau procès en avril 2021 en concluant qu’il y avait des « motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite ». Sept pathologistes avaient relevé des erreurs de leur collègue dans le dossier. Jacques Delisle avait ainsi recouvré la liberté en attente d’un second procès.