« Grand chef » autoproclamé d’une milice, Alex Louis Fallara est une bombe à retardement : son objectif est de renverser le gouvernement canadien en prenant le contrôle d’édifices étatiques. Ce révolutionnaire montréalais, qui a déjà tenté d’acheter un lance-roquettes à un agent double, est trop dangereux pour être libéré, soutient une juge.

Des murs troués par des flèches d’arbalète. Une carabine de calibre 22, une arme à air comprimé (pellet gun), des munitions, un katana et une arbalète en position armée. En accompagnant un huissier pour évincer l’homme de 26 ans en mai dernier, les policiers ont fait cette troublante découverte dans son appartement insalubre du quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Faisant face à plusieurs chefs d’accusation en matière d’armes à feu, Alex Louis Fallara espérait recouvrer sa liberté pendant le processus judiciaire. Or, la juge Mélanie Hébert a ordonné sa détention, le 23 juin dernier, en raison de son risque trop élevé pour la sécurité du public.

Devant moi, il dit que ce n’est pas violent, mais quand on l’écoute, il parle de la possibilité d’occuper un immeuble gouvernemental et de maintenir l’occupation. On parle de rapport de force avec le gouvernement qui passe par les armes.

La juge Mélanie Hébert

Déjà, en 2017, Alex Louis Fallara revendiquait la chute du gouvernement canadien. Très actif en ligne au sein d’un groupe prorusse d’extrême gauche, il était dans le collimateur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des autorités américaines. Selon un rapport de la GRC, le Montréalais appelait ses comparses à prendre en otages des fonctionnaires, voire à attaquer la prison, si jamais il était emprisonné.

Sur le réseau social russe VK, il avait écrit en français en décembre 2016 être prêt à se faire « tuer » ou « exécuter » pour inspirer une révolte au Québec.

Il avait même fourni à un agent double de la GRC une liste d’armes bien spécifiques qu’il voulait obtenir pour sa milice, dont un lance-roquettes de type RPG et des fusils d’assaut AK-74.

Il n’avait toutefois pas les ressources pour le faire. Le rapport de 2017 conclut que Fallara représentait un risque pour le public en raison de sa milice prétendument constituée d’une centaine de personnes.

Sans être accusé d’un crime, le Montréalais a été soumis à de très sévères conditions par un juge en 2017. Pendant un an, il lui a ainsi été interdit de posséder des explosifs ou du « matériel terroriste », de porter un sac dans un rassemblement public et de se trouver près de la Chambre des communes ou de l’Assemblée nationale.

Des exemples pour « renverser le gouvernement »

Cinq ans plus tard, le comportement d’Alex Louis Fallara s’est « aggravé ». Il a fait un « pas concret dans l’avancement de [son] idéologie à la violence intrinsèque » en se procurant des armes à feu, affirme la juge Hébert. Maintenant, le jeune homme donne des exemples précis pour « renverser le gouvernement ».

Le plan de sa Coalition, c’est de prendre le contrôle des bâtisses gouvernementales quand c’est vide, s’installer et garder le contrôle de ces lieux, pour ensuite faire une vidéo publique et communiquer à la population le contrôle effectif du gouvernement.

Le procureur de la Couronne, MGaël Fortin-Scott

Dans un mélange de fabulation, d’idées de grandeur et de faits réels, Alex Louis Fallara a donné un aperçu de son idéologie en témoignant dans le cadre de l’enquête sur sa mise en liberté. Le Montréalais se prétend le chef de « l’Ordre de Louis-Riel », une « coalition constitutionnelle » visant à démontrer l’illégalité du Canada et la primauté des droits ancestraux des Premières Nations.

Sans apporter de preuve tangible, Alex Louis Fallara soutient avoir du sang autochtone, à l’instar de 60 % des Québécois. Dans les faits, seuls 2,3 % des Québécois ont une identité autochtone, selon Statistique Canada. Il reproche même aux Premières Nations de promouvoir la haine en refusant de reconnaître le sang autochtone des Québécois. Il maintient s’appeler « Louis Desneiges » en mohawk.

En raison de ses origines, il prétend avoir le droit à « l’autodéfense ».

D’ailleurs, les « centaines de milliers » de membres de sa Coalition en Amérique, dont d’ex-militaires et d’ex-policiers, sont « armés » en vertu de leurs droits ancestraux, allègue-t-il. Le jeune homme soutient posséder des armes « plus performantes » comme des AK-47. Celles-ci sont toutefois entreposées par des « Warriors » dans des réserves autochtones.

Devant la juge, Alex Louis Fallara décrit vaguement les « autres phases » de son plan, dont un projet d’autosuffisance alimentaire dans le Nord-du-Québec avec des membres de la Coalition. Il tente alors de se faire rassurant. « Vous n’avez absolument rien à vous inquiéter de notre mouvement, car nous ne sommes pas du monde méchant », insiste-t-il. « Zéro. Aucune crainte », martèle-t-il.

Des problèmes de santé mentale en cause

Aux yeux du ministère public, même s’il est difficile de séparer le « vrai du faux », il est légitime de croire que l’accusé puisse lui-même vouloir « prendre action contre le gouvernement ».

Il est armé, on ne sait pas ce qu’il peut faire.

Le procureur de la Couronne, MGaël Fortin-Scott

Selon la défense, les propos d’Alex Louis Fallara ne sont que de pures fabulations tenues dans un contexte de problème de santé mentale. Son « organisation » n’existe pas réellement. « Si on le met en détention, c’est juste kicker la canne plus loin et renforcer le sentiment d’injustice envers l’État », a fait valoir MJulien Hudon Lespérance.

L’accusé affirme être « Asperger » et avoir un stress post-traumatique, sans aucun diagnostic pour le prouver. Il refuse également bec et ongles de prendre toute médication qui pourrait lui être prescrite. « Je défendrai pour mes droits médicaux. Absolument, absolument, absolument hors de question pour la médication », a-t-il martelé.

Sa milice armée est-elle réelle ou est-elle le fruit de sa maladie mentale ? s’interroge la juge Hébert. Sans diagnostic, difficile de se prononcer. Et dans tous les cas, ses propos sont « inquiétants » et le plan de sortie de la défense est nettement insuffisant pour protéger le public, selon la juge.

La cause retournera en cour dans quelques semaines.