Ce sont les accusations portées contre André Boisclair, dans une autre affaire médiatisée, qui l’ont fait changer d’avis.

La plaignante au procès pour agression sexuelle d’Harold LeBel a expliqué qu’elle avait attendu près de trois ans avant de porter plainte parce qu’elle avait peur de dénoncer un député qui avait « une super réputation » et qui était aimé de tous.

« J’avais peur que ce soit moi qui vive les conséquences de cette affaire », a affirmé la plaignante, qu’une ordonnance de la cour interdit de nommer.

La jeune femme aurait finalement changé d’avis après l’arrestation d’André Boisclair en mai 2020. L’ancien chef du Parti québécois a depuis été reconnu coupable d’agression sexuelle et purge une peine d’emprisonnement de deux ans.

« Ça m’a vraiment marquée. Parce que dans les cercles politiques, il y avait beaucoup de ouï-dire sur André Boisclair […] Des gens étaient probablement au courant », a raconté la plaignante au palais de justice de Rimouski.

Lisez « Agressions sexuelles : Deux ans moins un jour de prison pour André Boisclair »

Elle affirme avoir commencé à se demander si d’autres personnes pourraient être victimes d’Harold LeBel si elle gardait le silence.

L’affaire Boisclair lui a aussi fait réaliser qu’il était possible de porter plainte pour agression sexuelle en restant anonyme.

« Je n’avais pas envie de vivre une tempête médiatique autour de ça, que ma photo soit là, que mon nom soit là, de faire de la peine à mes parents. Je trouvais que c’était une peine inutile. Je voulais préserver mes parents », a-t-elle dit au troisième jour du procès.

Elle a finalement décidé de porter plainte en juillet 2020 et M. LeBel a été arrêté le 15 décembre.

Le témoignage de la plaignante a occupé toute la troisième journée du procès très médiatisé de l’ex-politicien. En contre-interrogatoire, la défense a suggéré que les attouchements dont elle dit avoir été victime dans le lit escamotable ne se seraient carrément pas produits.

Mardi, la plaignante avait raconté la « nuit interminable » qu’elle aurait subie en octobre 2017 au côté de l’ancien député du Parti québécois. Elle se trouvait alors à Rimouski pour le travail et avait été hébergée, avec une collègue, chez M. LeBel.

Lisez « Procès d’Harold LeBel : La plaignante raconte une “nuit interminable” »

Elle a raconté comment l’homme de 60 ans, de plusieurs décennies son aîné, avait soudainement tenté de l’embrasser, puis avait défait son soutien-gorge malgré ses protestations. Puis, durant la nuit, M. LeBel serait venu se coucher auprès d’elle dans un lit escamotable, où elle raconte avoir été touchée aux fesses et à l’anus.

L’accusé se serait excusé

Quelques mois avant l’arrestation d’André Boisclair, qui a servi d’élément déclencheur selon la plaignante, et plusieurs mois avant de porter plainte, celle-ci avait décidé d’écrire à l’accusé.

« J’ai tout de suite pensé que tu étais un bon gars, sensible et bienveillant », commence-t-elle dans un courriel daté du 21 février 2020 et lu devant le tribunal. Puis cette nuit d’octobre 2017 a été selon elle une « grande brisure ». « Je me souviens de chaque minute. »

Elle raconte à l’accusé que ce soir-là, elle avait eu peur de lui et qu’elle avait figé quand il avait commencé à la toucher dans le lit. « Je ne sais pas si tu me pensais endormie », écrit-elle.

J’ai compris que c’était la réaction de plusieurs filles lorsqu’elles sont victimes d’agression sexuelle.

La plaignante

M. LeBel a répondu le lendemain, le 22 février 2020, en demandant pardon. « Je me souviens m’être réveillé à côté de toi en me demandant ce que je faisais là », a répondu M. LeBel dans un courriel. « Je n’ai aucun souvenir de tout ça. »

La défense cherche des incongruités

L’avocat d’Harold LeBel a tenté de soulever des incongruités dans le témoignage de la victime. « Donc vous auriez pu aller à l’hôtel et vous avez décidé de ne pas y aller ? », lui a demandé Me Maxime Roy, notant que le déplacement était pour le travail et qu’elle aurait pu se faire rembourser une chambre.

Il lui a aussi demandé pourquoi elle n’avait pas tenté de réveiller son amie endormie dans l’appartement de M. LeBel, après la première tentative de baiser, mais avant les attouchements allégués dans le lit.

« C’est facile après les faits… Mais moi, au moment où il quitte devant la porte, je me dis : C’est terminé. Il a compris le message », dit-elle.

« Je suggère que M. LeBel ne vous a jamais caressé les fesses, ni inséré son doigt dans votre anus », a lancé Me Roy. « C’est faux », a rétorqué la plaignante.

Les 14 jurés – 10 femmes et 4 hommes – devront décider si Harold LeBel est coupable d’agression sexuelle à l’issue de ce procès prévu pour deux à trois semaines. M. LeBel a plaidé non coupable.