Simon Houle devra finalement purger un an de prison pour avoir agressé sexuellement une femme assoupie et avoir pris des photos des parties intimes de celle-ci, tranche la Cour d’appel. L’ingénieur avait d’abord bénéficié d’une absolution, une décision qui avait suscité un tollé l’été dernier.

« Les crimes commis par M. Houle sont sérieux. Il a abusé de la vulnérabilité de la victime et a porté gravement atteinte à son intégrité physique et sexuelle ainsi qu’à sa vie privée et à sa dignité. Les conséquences des crimes sur la victime sont importantes », a conclu mercredi la Cour d’appel en annulant l’absolution conditionnelle.

Coupable d’agression sexuelle et de voyeurisme, Simon Houle avait profité de la clémence du juge Matthieu Poliquin en juin 2022. Alors que la Couronne réclamait au moins 15 mois de prison, l’ingénieur s’en était tiré avec une absolution conditionnelle, une peine très peu sévère.

Cette décision avait provoqué une levée de boucliers dans la société civile, menant notamment à des manifestations devant les palais de justice. Des élus avaient dénoncé cette décision.

Le plus haut tribunal de la province a relevé de nombreuses erreurs commises par le juge Poliquin. Une personne raisonnable ne comprendrait pas que Simon Houle « puisse échapper à une condamnation », estime la Cour d’appel. Pour de telles infractions, les peines varient entre 12 et 20 mois de prison.

De « l’acharnement »

L’agression remonte à avril 2019. Simon Houle fête dans un bar avec des amis. À la fermeture, il poursuit la soirée chez un ami. Sur place, l’accusé discute avec la victime. Ensuite, elle s’endort dans une chambre, sans la présence de Simon Houle.

Elle se réveille, éblouie par la lumière d’un appareil photo. Elle sent alors des doigts dans son vagin qui font un mouvement de va-et-vient. Sa camisole est levée et son soutien-gorge est détaché. Alors qu’elle panique, Simon Houle retire ses doigts. Quand la femme se lève et se rhabille pour aller dans la cuisine, l’agresseur la rejoint et la ramène sur le lit, où elle finit par se rendormir.

Dans sa décision, le juge Poliquin soulignait que l’évènement s’était déroulé « somme toute rapidement » et que l’état d’ébriété de Simon Houle pouvait « permettre d’expliquer un comportement », sans toutefois constituer une défense. Le juge percevait de la « transparence » dans le fait que l’accusé ait avoué avoir touché le sexe d’une autre femme assoupie en 2015.

Au contraire, maintient la Cour d’appel, Simon Houle a fait preuve « d’acharnement » pendant l’agression, qui ne s’est pas déroulée « rapidement ».

Quand la victime s’est réfugiée dans la cuisine, l’accusé a eu le temps de prendre neuf photos des parties intimes de la femme à deux endroits de l’appartement.

Selon la Cour d’appel, le juge Poliquin a fait « un pas qu’il lui était impossible de franchir » en qualifiant l’agression sexuelle et le voyeurisme à l’égard de la [victime] de gestes « contextuels et ponctuels » dans la vie de Simon Houle. Le juge a « erré » en évaluant l’aveu de Simon Houle sur l’agression de 2015.

La Cour d’appel reproche au juge de première instance d’avoir occulté certains facteurs aggravants liés au voyeurisme, particulièrement le nombre de photos, leur contenu et le fait qu’elles soient demeurées accessibles pendant un mois et demi dans le téléphone de l’accusé. Il a aussi montré ces photos à un ami. Simon Houle devra se rendre aux autorités d’ici le 30 janvier.

Un jugement bien accueilli

Au Réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), la coordonnatrice aux communications, Marie-Christine Villeneuve, dit accueillir « positivement » la décision de la Cour d’appel, mais rappelle qu’elle ne règle pas tout.

« Est-ce que la peine aurait pu être plus sévère ? C’est possible, du moins on se pose la question, parce qu’il faut vraiment faire en sorte que les personnes victimes sentent qu’elles peuvent faire confiance entièrement au système de justice », explique-t-elle, en saluant néanmoins le fait que le jugement « vient rassurer la confiance du public qui avait été ébranlée par cette affaire ».

Pour la directrice générale de la clinique juridique Juripop, MSophie Gagnon, la décision « correspond davantage à ce dont on s’attend de nos tribunaux ». « Elle dénote une bien meilleure compréhension de la gravité d’une agression sexuelle, et des conséquences sur une personne victime », estime l’avocate.

Ça donne espoir, dans un sens, parce que dans cette affaire-là, on est à même de constater qu’un même dossier peut mener à des conclusions presque diamétralement opposées selon l’analyse que fait le juge.

MSophie Gagnon, directrice générale de Juripop

Mélanie Lemay, fondatrice de Québec contre les violences sexuelles, demande quant à elle des excuses du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qui avait déclaré en juillet dernier que l’absolution de Simon Houle était une « décision isolée ». La Presse avait plutôt démontré dans la foulée que près de 150 individus reconnus coupables d’agression sexuelle avaient pu s’en tirer sans dossier criminel depuis 2017.

« On se demande ce qui serait arrivé si l’affaire n’avait pas été médiatisée et si des groupes de femmes n’avaient pas décrié le fait que le tribunal spécialisé ne va rien changer à ce qu’on dénonce depuis #metoo », lance Mme Lemay.

En aucun cas la peine de Simon Houle « n’est un soulagement aujourd’hui », poursuit la porte-parole. « Pour nous, faire ou pas de la prison, ce n’est pas la raison pour laquelle on se mobilise. On le fait pour dénoncer la banalisation des agressions sexuelles par tout le système de justice. »

Au cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, on assure poursuivre les efforts « afin de remettre la personne victime au cœur du processus ». « Jusqu’à maintenant, 10 projets pilotes de tribunal spécialisé en matière de violence conjugale et de violence sexuelle ont été lancés dans différentes régions du Québec. Celui-ci prévoit des formations pour tous les acteurs susceptibles d’intervenir auprès des personnes victimes », indique l’attachée de presse, Élizabeth Gosselin.

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    Nombre de personnes à qui les CAVAC ont offert des services entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022. De ce nombre, plus de 80 % sont des victimes, 5 % sont des témoins et environ 11 % sont des proches.
    Source : Réseau des CAVAC Source : RÉSEAU DES CAVAC