La mère de Jean René Junior Olivier, cet homme noir abattu par des policiers à Repentigny en 2021, entend prouver la faute de la Ville de Repentigny et de ses agents dans la mort de son fils et leur réclame 430 000 $ en dommages.

« Nous avons des raisons de croire que si Jean René Junior Olivier avait été une personne blanche, il serait toujours vivant aujourd’hui », a déclaré l’avocate de Marie-Mireille Bence, MWilerne Bernard, en conférence de presse, mardi.

Le dépôt de cette poursuite fait suite à la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), annoncée plus tôt ce mois-ci, de ne pas déposer d’accusations criminelles contre les policiers impliqués dans l’affaire.

Le 1er août 2021, Marie-Mireille Bence a appelé les services d’urgence en raison de l’état d’instabilité psychologique de son fils. Alors qu’elle s’attendait à une intervention médicale pour lui venir en aide, ce sont plutôt six policiers et une ambulance qu’elle a vu se présenter devant chez elle.

L’intervention, « d’une violence inouïe » selon la poursuite déposée mardi, s’est conclue lorsque Jean René Junior Olivier a été visé mortellement par trois balles alors qu’il se serait précipité vers les agents munis d’un couteau.

Agir de « manière raisonnable »

Loin d’avoir agi de « manière raisonnable », les agents « ont fait tout le contraire », affirment les avocats de Marie-Mirelle Bence dans une demande introductive d’instance présentée mardi.

« M. Olivier n’était pas en état normal et les policiers n’ont pas tenu compte de cette réalité dans leur travail afin de mieux agir ; ils étaient plusieurs policiers regroupés auprès de M. Olivier de manière menaçante ; ils criaient contre M. Olivier », énumèrent-ils.

« Jamais les policiers n’ont tenté d’établir un dialogue calme et pondéré », allèguent-ils également en soulignant que Jean René Junior Olivier se trouvait avec son oncle et une de ses amies « qui ne craignaient pas pour leur vie » à l’arrivée des policiers.

La poursuite reproche également à la Ville de Repentigny d’avoir manqué à son devoir « d’assurer le maintien à jour des connaissances et compétences » de ses policiers dans leur pratique.

« Ils ont lu leur communiqué de presse »

Plus tôt ce mois-ci, le DPCP a conclu que « l’intervention policière était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d’assurer, dès les premiers instants jusqu’à la fin de la séquence de tirs, la sécurité des citoyens sous leur protection ainsi que leur propre sécurité ».

Or, la mère de Jean René Junior Olivier reproche à l’organisme son manque de sensibilité à son endroit tout au long des procédures. Encore aujourd’hui, affirme-t-elle, elle n’a reçu ni le rapport d’intervention ambulancière, ni le rapport d’autopsie, ni le rapport du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) remis au DPCP au sujet de l’intervention ayant mené au décès de son fils.

« Mme Bence a eu une rencontre avec le BEI et un représentant du DPCP pour l’annonce qu’ils ne poursuivront pas les policiers impliqués dans l’intervention. Ils ont lu leur communiqué de presse, mais rien d’autre n’a pu avoir lieu lors de cette rencontre », relate la poursuite.

C’est pourquoi les avocats de Marie-Mireille Bence demandent à la Cour de lui remettre le rapport du BEI sur le décès de son fils et de révéler l’identité des policiers impliqués dans l’intervention ayant mené à la mort de son fils.

Elle réclame également environ 380 000 $ en dommages compensatoires, punitifs et pécuniaires, en plus du remboursement de ses frais d’avocats pour un montant total de 50 000 $.

Plusieurs enjeux de profilage

Rappelons que les enjeux de profilage racial ont fait les manchettes à de nombreuses reprises à Repentigny dans les dernières années.

En 2020, un groupe de neuf jeunes noirs avaient reçu des constats d’infraction totalisant 11 500 $ pour avoir enfreint les mesures sanitaires sur un terrain de basketball. Le même soir, sur le même terrain, un groupe de jeunes blancs avaient reçu un avertissement.

L’année suivante, un rapport montrait que les personnes noires avaient près de trois fois plus de chances que les Blancs d’être interpellés par le Service de police de la Ville de Repentigny.

L’été dernier, un homme noir a gagné sa cause devant le Tribunal des droits de la personne pour avoir été victime de profilage après avoir été interpellé au volant d’un véhicule de luxe.

Avec Lila Dussault, La Presse, et La Presse Canadienne