Le délinquant sexuel récidiviste Jody Matthew Burke, qui affirme vouloir changer de sexe depuis qu’il a été reconnu coupable d’agressions sexuelles hyperviolentes sur son ex-conjointe, s’est lancé depuis la prison en campagne sur Facebook et Instagram pour dénoncer une gestionnaire qui aurait refusé son transfert dans une prison pour femmes.

Burke, qui souhaite désormais se faire appeler Amber, a créé une page Facebook au début de février, vraisemblablement grâce à un téléphone de contrebande auquel il a accès à l’Établissement de détention de Montréal (Bordeaux). Il y est détenu en attendant de connaître sa peine, mercredi, notamment pour agression sexuelle armée et menaces de mort contre son ex-conjointe, Brigitte Jobin, qu’il a battue et forcée à avoir une relation sexuelle avec un couteau sur la gorge.

Le 13 février, Burke s’est servi de ce compte Facebook pour contacter Mme Jobin de la prison, en « aimant » une de ses publications.

« Ça m’a profondément mise en colère », relate Mme Jobin. « C’est juste pour me provoquer. Il voulait que je sache qu’il s’est ouvert un compte Facebook, c’était très calculé », ajoute-t-elle.

« Moi, je fais de l’insomnie toutes les nuits depuis un mois en attendant la sentence. Lui, il est déjà en train de préparer sa prochaine vie sur Facebook et Instagram », déplore Mme Jobin.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE BURKE

La page d’accueil du compte Facebook de Burke

« Ce qui m’ébranle le plus, c’est qu’il se pose en victime sur les réseaux », ajoute la femme de 36 ans.

Selon nos informations, la cellule de Burke a été fouillée par le personnel de l’Établissement de détention de Montréal peu après cet incident, mais aucun appareil n’aurait été trouvé.

La situation a néanmoins forcé la Couronne à demander à la Cour du Québec d’interdire à Burke de communiquer avec Mme Jobin, à la fin de février.

Égoportrait en robe noire

La semaine dernière, à quelques jours de connaître sa peine, Burke a fait de nouvelles déclarations, publiant cette fois-ci un égoportrait sous forme de « story » sur Instagram. Burke y apparaît avec une robe noire, en compagnie de trois autres individus.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE BURKE, LA PRESSE

L’égoportrait en robe noire de Burke publié sur Instagram, alors qu’il est toujours incarcéré.

Selon le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN), Mathieu Lavoie, l’endroit où la photo a été prise « ressemble à une cellule de prison de façon assez convaincante ». « Ça pourrait être Bordeaux ou Rivière-des-Prairies », confirme-t-il.

Burke a également publié sur Facebook un message visant spécifiquement une gestionnaire du centre de détention de Montréal, à qui il reproche d’avoir refusé de le transférer dans une prison pour femmes parce qu’il n’a à ce jour entamé aucune procédure de changement de sexe. « Justin Trudeau, selon sa politique, dit que je me qualifie », soutient Burke, indiquant qu’il est « maintenant temps » de porter plainte.

« Être une femme trans détenue dans une prison pour homme a été très difficile à cause de l’oppression », ajoute Burke dans une autre publication.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE BURKE

La publication de Burke où il affirme être l’objet d’« oppression » en prison.

Le ministère de la Sécurité publique, questionné par La Presse au sujet de cette publication, dit qu’il mène des vérifications pour « remonter le fil des évènements ». Le fait de publier le nom d’une gestionnaire sur les réseaux sociaux « n’est pas considéré comme une menace, mais pourrait être considéré comme de l’intimidation », a précisé la porte-parole Louise Quintin.

« Il faut que le ministre [François] Bonnardel [responsable de la Sécurité publique] réagisse, insiste Mathieu Lavoie, du SAPSCQ-CSN. Un jour, ce seront peut-être des photos d’agents correctionnels qui seront diffusées. Ça fait partie des tactiques d’intimidation que les personnes incarcérées utilisent contre le personnel carcéral », déplore-t-il.

Prison qui « correspond le mieux à leur identité de genre »

Déjà condamné deux fois pour des agressions violentes similaires contre deux autres ex-conjointes, Burke sera fort probablement transféré dans un pénitencier fédéral une fois sa peine annoncée. En vertu d’une politique officialisée en mai dernier par le Service correctionnel du Canada, tous les détenus fédéraux peuvent demander d’être incarcérés dans le type d’établissement « qui correspond le mieux à leur identité ou expression de genre », peu importe s’ils ont entamé ou pas des procédures de changement de sexe. Seules des « préoccupations dominantes en matière de santé ou de sécurité » peuvent justifier un refus.

La Presse a tenté d’obtenir les commentaires de l’avocate de Burke, Me Véronique Talbot, mais celle-ci n’a pas rappelé.

Le Code criminel ne prévoit aucune sanction pour les détenus pris en flagrant délit d’utilisation de téléphones cellulaires en prison. C’est plutôt le Régime de vie de l’établissement qui s’applique, lequel prévoit des peines de nature disciplinaire. « En général, dans les prisons provinciales, les gestionnaires imposent de l’isolement, précise MSylvie Bordelais, vice-présidente de l’Association des avocates et avocats en droit carcéral du Québec. Le maximum est de 30 jours, mais ça dépend de l’imagination des gestionnaires. Ils peuvent scinder un même incident en plusieurs évènements différents », dit-elle.