Le père de la fillette de Granby a tenté de convaincre la Commission des libérations conditionnelles du Canada de lui permettre de recouvrer la liberté, jeudi. Les services correctionnels ont recommandé que l’homme de 34 ans obtienne une semi-liberté dans une maison de transition, alors que la grand-mère de la petite victime a jugé qu’il était encore trop tôt. Les commissaires doivent rendre leur décision d’ici 15 jours.

« Jamais je n’aurais pu penser en arriver là un jour », a dit le père qui a enroulé sa fille dans du ruban adhésif et l’a fixée au plancher de sa chambre en avril 2019. « Ma pensée n’était pas rationnelle. Je n’ai pas réfléchi… J’ai trouvé une solution radicale qui n’était pas appropriée », a-t-il tenté d’expliquer.

L’homme qui a plaidé coupable à une accusation de séquestration a dit qu’il voulait empêcher sa fille de 7 ans de se blesser en sortant de sa chambre par une fenêtre. « Mon but, c’était plus de la contention que de la séquestration. Mais je n’ai pas pris la bonne façon. J’aurais dû l’amener à l’hôpital. C’est indéniable avec le recul », a dit celui qui est incarcéré depuis 15 mois.

« J’ai tout perdu cette journée-là. J’ai perdu ma fille, j’ai perdu ma famille, j’ai perdu mon emploi. J’étais un bon travaillant qui faisait sa vie… Mais j’ai pris les mauvaises décisions qui m’ont mené où je suis aujourd’hui. Tout ce que je souhaite, c’est de me reconstruire et de ne plus jamais vivre quelque chose comme ça », a-t-il dit en réponse aux questions des deux commissaires.

Le détenu a dit qu’il voulait projeter une image de « bon père » auprès de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et auprès de sa famille, avec qui il est en froid. Il a dit avoir demandé de l’aide pour sa fille, mais avoir « oublié » de le faire pour lui.

Les services correctionnels ont recommandé que l’homme obtienne une semi-liberté en maison de transition. Il aurait l’obligation d’occuper un emploi, de respecter un couvre-feu et de signaler ses relations amicales ou amoureuses avec des femmes. Il lui serait interdit d’être en présence d’enfants de moins de 16 ans et d’entrer en contact avec les membres de sa famille.

En 15 mois de détention, l’homme n’a pas été « impliqué dans la magouille institutionnelle » et n’a pas reçu de rapport d’infraction, ont rapporté les services correctionnels. Il a terminé sa cinquième secondaire, occupe un emploi de concierge et a entrepris un suivi thérapeutique. « La peine, la honte et la culpabilité sont très fortes », ont-ils ajouté.

Le père de la fillette a d’ailleurs répété à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention d’entreprendre une relation de couple à court ou moyen terme. Il a aussi affirmé qu’il ne tenterait pas d’obtenir la garde de son fils de 8 ans, mais qu’il voudrait le voir si ce dernier le souhaite. Une ordonnance de non-publication nous empêche de nommer le père afin de protéger cet enfant.

« Il est resté insensible »

Dès l’ouverture de l’audience, la grand-mère de la petite victime a lu une lettre aux commissaires dans laquelle elle affirme qu’il est encore trop tôt pour libérer son fils. « S’il ne fait qu’un an, c’est carrément inacceptable. En le libérant aussi rapidement, vous envoyez comme message qu’un enfant, ce n’est pas important. Ce n’est pas grave même si l’enfant a subi de la torture au point d’en mourir. »

Elle a affirmé que plusieurs membres de sa famille font encore des nuits blanches et craignent de croiser son fils. « Lorsqu’on aime un enfant, on ne le laisse pas se faire maltraiter. On la nourrit convenablement. On ne la barricade pas. On ne l’attache surtout pas avec du scotch tape […] Son père est resté insensible à ses cris et ses souffrances. Il a assisté à toute cette terreur sans lui porter secours », a lu la femme.

Rappelons que la fillette de Granby a été enroulée, nue, dans du ruban adhésif dans la nuit du 28 au 29 avril 2019. Sa belle-mère a ajouté une dizaine de tours de ruban, mais lors de son procès, elle a toujours nié avoir couvert la bouche et le nez de l’enfant. Le père a retrouvé sa fille inconsciente quelques heures plus tard. Le décès a été constaté à l’hôpital le 30 avril.

La belle-mère a été reconnue coupable par un jury de meurtre non prémédité et de séquestration. Elle purge une peine de prison à vie et sera admissible à une libération conditionnelle après 13 ans. Elle a interjeté appel. Le père a été condamné à quatre ans de prison. Comme il a été détenu après son arrestation, six mois ont été déduits de sa peine.

La fillette était suivie par les services sociaux depuis sa naissance. Sa mort a donné lieu à la « commission Laurent » sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.