Une ex-infirmière qui aurait volé des narcotiques dans un hôpital de Montréal a été récemment accusée au criminel… un an après sa mort. Une erreur qui met en lumière certaines lacunes du système judiciaire.

Informé par La Presse, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’est confondu en excuses.

« Le SPVM tient à exprimer ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Madame. Nous tenons à dire que la situation nous désole et que nous comprenons la douleur ressentie par la famille », a réagi le SPVM.

Cette Montréalaise de 30 ans est décédée en mai 2022 dans de tristes circonstances. Par respect pour ses proches, nous avons pris la décision de ne pas la nommer. Ceux-ci n’ont pas souhaité réagir dans le cadre de cet article.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a autorisé deux chefs d’accusation contre la défunte, le 2 mai 2023. Une date de comparution avait été fixée à la mi-juin devant un juge au palais de justice de Montréal. Pourtant, cette femme était morte depuis un an. Ni le procureur, ni l’enquêteur, ni la juge de paix n’ont vraisemblablement vérifié si la suspecte était toujours vivante.

C’est en communiquant avec l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour connaître le statut de l’accusée que La Presse a appris son décès.

L’ex-infirmière est accusée d’avoir volé des biens de moins de 5000 $, soit des fioles de Dilaudid – un narcotique – et d’avoir possédé des biens criminellement obtenus. Son larcin aurait été commis le 24 avril 2022 à l’hôpital Jean-Talon.

Elle avait récupéré peu auparavant son titre d’infirmière après avoir été radiée de son ordre et condamnée au criminel pour des crimes similaires.

Le décès de la femme est survenu quelques semaines après le vol allégué.

Or, cette information pourtant pertinente ne s’est visiblement jamais rendue aux oreilles du SPVM et du DPCP. Pour quelles raisons ? « Il s’agit d’une situation qui mérite d’être analysée plus en profondeur », a répondu le SPVM dans un courriel non signé. Selon nos informations, le service de police n’est pas automatiquement informé du décès d’un suspect.

Manque de temps

Le DPCP a reçu le dossier d’enquête du SPVM en août 2022. De longs mois ont ensuite passé pour qu’un procureur analyse le dossier et décide de déposer des accusations. En vertu de la sommation signée par une juge de paix, l’accusée devait se présenter au poste de police le 12 juin prochain.

« Il appert que le décès de la personne visée n’a pas été porté à notre connaissance entre la réception du dossier et son analyse, ce qui explique que cette poursuite a été initiée à son égard », a commenté MAudrey Roy-Cloutier, procureure en chef adjointe aux communications du DPCP.

Le DPCP entend demander l’arrêt des procédures judiciaires « dès que possible ». Pour ce faire, le ministère public doit obtenir un document officiel qui en atteste, explique MRoy-Cloutier.

« Honnêtement, je ne suis même pas surpris », s’exclame en entrevue MCharles B. Côté, un criminaliste d’expérience qui n’est pas impliqué dans ce dossier. Dans sa carrière, il a déjà vu d’autres cas où un mort était accusé par l’État. « Ça arrive. Ils déposent alors le certificat de décès à la comparution », raconte-t-il.

« Il y a trop de personnes impliquées, il y a trop de dossiers, [les autorités] n’ont pas le temps de faire ces vérifications », analyse-t-il.