392. C’est le nombre de personnes qui sont mortes sur les routes du Québec. Il s’agit d’une hausse d’environ 13 % en un an, mais surtout, d’un sommet en près d’une décennie. Surreprésentés, les piétons représentent un décès sur cinq, alors que le nombre de collisions impliquant un poids lourd est aussi en augmentation.

« On n’est pas seuls sur la route, c’est important de penser aux autres », lance Maxime Brault, qui est directeur de la recherche en sécurité routière à la SAAQ. Selon le bilan de son groupe rendu public lundi, 392 personnes ont perdu la vie sur les routes en 2022.

La dernière fois que le bilan total des décès routiers avait été aussi élevé, c’était en 2013. Par rapport à la moyenne de 2017-2021, la hausse est similaire, soit d’environ 13,2 %. Quoiqu’en faible hausse sur un an, le nombre de blessés graves (1275) et légers (27 048) est toutefois respectivement en baisse de 4 % et 11 %.

« On s’attendait à un bilan moins bon, avec la première année pleine post-pandémie de retour à la normale. Mais ce qui est vraiment triste, c’est qu’au niveau des décès, on revient dix ans en arrière », se désole Marco Harrison, expert en sécurité routière chez CAA-Québec.

Plusieurs catégories d’usagers vulnérables semblent particulièrement touchées, dont en premier lieu les piétons. L’an dernier, 79 d’entre eux sont morts sur le réseau routier, un bond de 44 % en une année et de 23 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes.

La directrice de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, ne cache pas sa vive inquiétude. « On savait que le bilan 2022 n’allait pas être bon, mais on ne pensait pas qu’il allait être si pire. Il faut remonter à 2007 pour avoir un bilan piéton autant terrible. Les piétons paient vraiment le prix de notre inertie collective en ce moment », martèle-t-elle. À ses yeux, « ce bilan-là doit être l’électrochoc pour passer à l’action ».

Des poids lourds très présents

Quant aux motocyclistes, on recense 61 décès, ce qui représente une baisse absolue de 9 % sur un an, mais une hausse de plus de 10 % par rapport à la moyenne 2017-2021. Une lueur d’espoir demeure toutefois chez les cyclistes, alors que neuf décès ont été enregistrés en 2022, une baisse de 44 % en un an.

Plus d’automobilistes perdent aussi la vie sur les routes. Ils étaient 216 l’an dernier, contre 179 l’année précédente, une hausse de 20 % et de presque 13 % par rapport à la moyenne. Plus de la moitié des personnes décédées en 2022 (55,1 %) étaient des occupants d’une automobile ou d’un camion léger.

Tout près de 25 % des morts enregistrées en 2022, soit 95 des 392, sont survenues lors d’accidents impliquant un véhicule lourd. C’est une hausse marquée par rapport aux dernières années, soit plus de 17 % en comparaison avec la moyenne 2017-2021. Depuis quatre ans, ce nombre oscillait autour de 80.

« Ça nous montre qu’il faut qu’on refasse les campagnes, qu’on éduque les gens sur tous les angles morts autour des camions et les chauffeurs à la vigilance. On a du travail à faire là-dessus », souligne M. Harrisson, de CAA-Québec, à ce sujet. À la SAAQ, on s’explique cette tendance par la hausse aussi constante du parc de véhicules lourds, qui a bondi de 4 % seulement en 2022. « Il y a aussi de plus en plus de déplacements de ces véhicules lourds », note Maxime Brault.

M. Harrison, lui, déplore qu’environ 30 % des décès soient survenus chez des personnes de 65 ans et plus. Les décès ont d’ailleurs bondi de 22 % chez les 75 ans et plus. « Quand on regarde chez les piétons, on constate que c’est un décès sur deux, c’est un aîné. Il faut s’adapter. Pour les temps de traverse, par exemple, le nombre de secondes en majorité est encore alloué sur la vitesse moyenne d’un adulte », ajoute l’expert.

Des actions déjà en cours

À la SAAQ, on assure que des actions sont déjà prises pour corriger le tir. Une vaste campagne de sensibilisation axée sur les usagers vulnérables a déjà été lancée le 29 mai partout au Québec. Six priorités sont visées : la distraction, la vitesse, les facultés affaiblies, la fatigue, le partage de la route et les comportements imprudents.

« Derrière cette hausse des décès se cachent des drames humains qui auraient pu être évités », regrette le nouveau PDG de la SAAQ, Éric Ducharme.

Il affirme que son groupe mène actuellement des travaux au sein du Comité d’analyse des décès des piétons, qui a pour objectif « de brosser un meilleur portrait des enjeux et de cibler les actions futures pour assurer la sécurité des piétons sur les routes ». « C’est en restant vigilants quant à nos comportements sur la route que nous pourrons assurer la sécurité de tous », soulève M. Ducharme.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a affirmé lundi que « les données rendues publiques aujourd’hui sont préoccupantes, particulièrement en ce qui a trait aux décès des piétons ». « Notre gouvernement déposera sous peu un plan d’action en sécurité routière. Nous avons la volonté ferme d’améliorer la sécurité sur nos routes et nous créerons les outils pour y arriver », a-t-elle assuré.