(Ottawa) Une femme à qui l’on a interdit de conduire pendant près de deux ans dans l’attente de sa condamnation serait confrontée à « une sorte de double punition » si elle se voyait imposer une interdiction supplémentaire obligatoire d’un an, a conclu la plus haute juridiction du Canada.

La décision unanime de la Cour suprême du Canada confirme la convention de common law selon laquelle un tribunal peut accorder un crédit pour le temps déjà passé lorsqu’il n’y a pas de disposition explicite l’interdisant.

La décision a été rendue vendredi dans le cas de Jennifer Basque, qui a été accusée d’avoir conduit un véhicule à moteur avec une alcoolémie excessive à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 2017.

Basque a passé les 21 mois suivants, entre sa comparution initiale devant le tribunal et la détermination de sa peine, sous le coup d’une interdiction qui l’empêchait de conduire.

Basque a plaidé coupable et un juge lui a infligé une amende de 1000 $ et une interdiction de conduire obligatoire d’un an, mais a tenu compte du temps écoulé, ce qui signifie qu’elle n’a pas été soumise à l’interdiction de conduire supplémentaire.

Cependant, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a accueilli l’appel de la Couronne et a modifié la décision du juge pour y inclure l’interdiction de conduire obligatoire d’une durée d’un an.

Basque a soutenu que sa demande de crédit de temps n’était en rien limitée par l’imposition de l’interdiction obligatoire d’un an. La Couronne, quant à elle, a déclaré que l’octroi d’un crédit entrerait en conflit avec l’application de l’interdiction minimale, même si la loi est muette sur la question de l’octroi d’un crédit.

Dans son arrêt de vendredi, la Cour suprême a déclaré qu’au moment où Basque a été condamnée, elle avait déjà purgé l’interdiction de conduire minimale prévue par la loi.

« Par conséquent, aucune interdiction additionnelle n’est indiquée en l’espèce », a écrit le juge Nicholas Kasirer au nom de la Cour.

L’octroi d’un crédit fondé sur le pouvoir discrétionnaire de common law « s’accorde parfaitement avec l’application de l’interdiction minimale » prévue par la loi dans ce cas, a ajouté M. Kasirer.

« Par conséquent, il était loisible au juge de première instance de tenir compte de la période de 21 mois déjà purgée par Mme Basque, puisque cela ne contrecarrerait pas la volonté du législateur », a-t-il écrit.

« L’intention du Parlement est respectée, que la punition soit purgée avant ou après le prononcé de la sentence, puisque dans un cas comme dans l’autre l’effet sur le contrevenant est identique. »

En l’absence d’une intention contraire exprimée clairement par le législateur, une loi ne devrait pas être interprétée de façon à modifier substantiellement le droit, y compris la common law, a conclu la Cour.

Si la loi applicable exigeait le prononcé d’une sentence minimale, cela risquerait d’entraîner des résultats contre‑intuitifs, voire absurdes, a écrit M. Kasirer.

Il a déclaré que l’imposition d’une punition additionnelle d’un an dans le cas de Basque « équivaudrait à une sorte de double punition, contrairement aux exigences les plus fondamentales de justice et d’équité ».