Battu sévèrement, attaché à un fauteuil, puis abandonné dans un quartier industriel : un trafiquant de drogue et père de famille a subi un calvaire aux mains de Tommy Bradette et de ses sbires en 2020. Ce fils d’un proche des Hells Angels a été condamné à 16 ans de détention mardi.

« C’est un cauchemar sans fin. Rien ne semble réel. Je ne sens plus rien à l’intérieur. » « Ce monstre a envoyé ses soldats. » « C’est affreux ce que vous avez fait. Les yeux brillants de mon fils se sont éteints. Ma fille dort avec un couteau sous son oreiller. Vous les avez détruits. »

La mort brutale de Bardia Gorji, père de deux enfants, a bouleversé sa famille, comme en témoignent ces extraits de lettres écrites par des proches. Ceux-ci peinaient d’ailleurs à retenir leurs larmes mardi au palais de justice de Montréal lorsque les circonstances de la mort de l’homme de 38 ans ont été présentées au juge.

Tommy Bradette devait subir son procès devant jury cet automne pour le meurtre au premier degré de Bardia Gorji. L’homme de 26 ans – et fils de Gaétan Bradette – a plutôt plaidé coupable mardi à un chef réduit d’homicide involontaire. Il a aussi reconnu sa culpabilité dans un dossier de stupéfiants et d’introduction par effraction.

Tommy Bradette, alias le Russe, opérait un réseau de trafic de stupéfiants d’envergure en 2020 et 2021 dans le quartier Hochelaga, à Montréal et à Val-d’Or. Il brassait vraisemblablement des centaines de milliers de dollars par mois et des quantités importantes de cocaïne avec l’aide de plusieurs complices.

La victime, Bardia Gorji, un vendeur de stupéfiants d’Hochelaga, a été convoquée par Tommy Bradette dans Pointe-aux-Trembles, le 25 juillet 2020. La victime avait visiblement peur d’être tuée ce jour-là. Le soir même, un chauffeur d’autobus l’a trouvé à demi nu dans un secteur industriel d’Anjou. Gravement blessé, il est mort un mois plus tard.

Circonstances nébuleuses

Les circonstances précises de sa mort demeurent nébuleuses. Tommy Bradette admet ainsi avoir seulement participé à battre à mort la victime. On sait cependant que Tommy Bradette a ensuite appelé en catastrophe un complice, Samir Drissi-Atmani – condamné à 10 ans de pénitencier dans ce dossier – pour récupérer la victime.

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Au volant d’un véhicule prêté par le père de Tommy Bradette – Gaétan Bradette, une vieille relation des Hells Angels –, Samir Drissi-Atmani a ramassé Bardia Gorji, alors semi-conscient et incapable de marcher. À la demande de Tommy Bradette, Samir Drissi-Atmani est allé acheter du javellisant pour nettoyer la scène. Entre-temps, il a séquestré la victime dans son véhicule.

Pendant la soirée, Samir Drissi-Atmani et un complice – qu’on ne peut identifier – ont séquestré Bardia Gorji dans un appartement, l’attachant à un fauteuil. L’homme était extrêmement mal en point. Il n’émettait que des sons inintelligibles et sa tête était gonflée. Les complices l’ont alors placé sur un lit de glace. Ils abandonneront son corps en fin de soirée.

La preuve révèle que Tommy Bradette et Samir Drissi-Atmani ont échangé 161 communications ce jour-là.

Les policiers ont réussi à relier Tommy Bradette à l’homicide grâce à une enquête d’envergure, alliant de l’écoute électronique et des agents d’infiltration. L’un d’entre eux a d’ailleurs pu corroborer la version de Samir Drissi-Atmani en 2021 en visitant tous les lieux pertinents au crime avec celui-ci.

Le juge Alexandre Boucher a entériné la suggestion commune présentée par la procureure de la Couronne MEdith Lafontaine et l’avocate de la défense MIsabelle Téolis, l’estimant « raisonnable ». Le juge a d’ailleurs souligné que la Couronne avait « certaines difficultés » pour faire sa preuve dans le dossier d’homicide.