L’ex-enseignant Dominic Blanchette, qui a agressé sexuellement cinq fillettes et adolescentes durant des années, a été condamné mardi à huit ans de prison. En prenant en compte sa détention préventive, il lui reste un peu plus de six ans derrière les barreaux.

« Cette peine dissuade quiconque de commettre les mêmes infractions. Elle isole M. Blanchette suffisamment longtemps pour protéger la société et favoriser la réhabilitation de ce dernier », a expliqué la juge Mélanie Hébert, devant une salle d’audience où plusieurs victimes de M. Blanchette étaient présentes. Menotté, le principal intéressé y était aussi, la mine basse, pour entendre sa peine.

Se rangeant du côté de la suggestion de la Couronne, la juge a ensuite soutenu qu’il « est raisonnable de croire que les préjudices [que les victimes] ont subis perdureront et affecteront leur sentiment de sécurité, leur estime d’elles-mêmes ».

Au total, huit chefs avaient été retenus contre l’homme, dont des contacts sexuels, de l’exploitation sexuelle et de la possession de pornographie juvénile. M. Blanchette savait ce qu’il faisait en commettant ses crimes, a indiqué la juge, en concluant que c’est son rôle d’enseignant qui lui a permis d’abuser de ses victimes en personne ou encore en ligne, ayant notamment obtenu des photos intimes de jeunes adolescentes.

Cette affaire avait causé l’an dernier une onde de choc dans le milieu scolaire, surtout à l’école Adélard-Desrosiers, dans Montréal-Nord, où il enseignait. Selon d’anciens élèves de M. Blanchette, ce dernier était connu pour sa proximité avec les jeunes filles en particulier, avait précédemment rapporté La Presse.

En position d’autorité

De nombreux « facteurs aggravants », comme la durée des infractions, l’âge des victimes, la position d’autorité de M. Blanchette ont été pris en compte par la magistrate. Celle-ci a rappelé que les infractions ont été « commises sur de longues périodes alors que, rappelons-le, les victimes sont à un âge où elles développent leur personnalité et leurs habiletés à cheminer dans la vie ».

« Plus l’enfant est jeune, plus le rapport de force avec l’adulte est marqué », a ajouté la juge, en faisant valoir que l’ex-enseignant a « ignoré les avertissements » qui lui ont été donnés à plusieurs reprises en lien avec sa proximité avec de jeunes filles dans le cadre de ses fonctions. « Il a choisi de continuer », selon la juge.

Ultimement, comme son risque de récidive est « au-dessus de la moyenne », a tranché la juge, « l’objectif d’isoler M. Blanchette pour protéger la société est pertinent ».

Le fait que M. Blanchette soit lui-même une victime d’abus sexuels et le fait qu’il a amorcé une thérapie en matière de violence sexuelle constituent « des facteurs atténuants », a toutefois nuancé la juge.

Il sera interdit à M. Blanchette de communiquer avec ses victimes durant toute la durée de sa détention. À sa sortie de prison, et durant 20 ans, il ne pourra se trouver dans un parc ou toute zone publique où des personnes de 16 ans et moins pourraient se trouver, comme une garderie, une école ou un centre communautaire, à moins qu’un adulte qui est au courant des accusations se trouve avec lui. M. Blanchette sera par ailleurs inscrit au Registre national des délinquants sexuels (RNDS).

« La société ne peut tolérer de tels crimes »

Au mois de juin dernier, la Couronne avait réclamé une peine de sept à huit ans d’emprisonnement contre M. Blanchette. L’avocate de la défense, MLaurence Juillet St-Jean, de son côté, avait demandé une peine de deux ans avec une probation sous conditions prolongée, en rappelant que l’homme de 28 ans était détenu depuis plus d’un an. Or, cette suggestion de la défense, a fait valoir la juge Hébert, était « trop clémente ».

La procureure de la Couronne, MAnnabelle Sheppard, a salué mardi le verdict rendu par la Cour. « Le message qui est envoyé, c’est qu’on ne tolère pas les crimes sexuels à l’égard des enfants, qu’il faut sévir et imposer des peines significatives », a-t-elle affirmé en mêlée de presse.

Selon l’avocate, « les victimes ont toutes été très affectées par les gestes commis, et comme l’a mentionné la juge, ce sont des crimes qui ont non seulement un impact immédiat, mais à long terme également ». « La société ne peut tolérer de tels crimes, de tels abus d’autorité et de confiance », a martelé MSheppard.

D’après le récit qui avait été tracé par la Couronne en juin, les crimes sexuels « ignobles » commis par l’enseignant Dominic Blanchette ont laissé des traces indélébiles sur ses cinq victimes, dont les plus jeunes avaient 10 ans. « J’ai tout lâché les sports et activités parascolaires après la dernière agression. J’ai une peur constante et je vis avec un sentiment de culpabilité. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide. J’ai arrêté l’école pendant quatre mois, j’ai augmenté ma consommation », avait énuméré l’une des victimes dans une lettre.

En 2019, Dominic Blanchette l’avait agressée sexuellement au camp Tim Hortons. « Il m’a prise par les poignets pour me forcer à rester près de lui, alors que je voulais quitter. Je ne voulais pas qu’il m’embrasse », avait également confié la victime.

Peu après la mise en accusation, la police de Montréal avait indiqué être à la recherche d’autres victimes, puisque l’accusé « aurait occupé des emplois dans plus d’un établissement scolaire » dans le Grand Montréal. En juillet 2022, quatre personnes de plus se sont ensuite manifestées dans le dossier. C’est en mars 2023 que M. Blanchette a ultimement reconnu avoir agressé sexuellement cinq fillettes et adolescentes.

De plus en plus de brevets révoqués

Le nombre de brevets d’enseignement révoqués pour des gestes déplacés ou sexuels est à la hausse au Québec depuis les deux dernières années. Des données du ministère de l’Éducation, obtenues par La Presse par l’entremise d’une demande d’accès à l’information, montrent en effet que 14 professeurs ont perdu leur droit d’enseigner au Québec en 2022 pour ces motifs. Jusqu’ici, en date du 18 mai 2023, neuf brevets ont été révoqués pour les mêmes raisons, alors qu’entre 2019 et 2021, seuls quatre permis avaient été retirés chaque année. Au total, 17 enseignants ont été « sanctionnés » par le Ministère en 2022 pour des gestes déplacés ou sexuels, contre 11 jusqu’ici en date de mai 2023. En 2021, sept professeurs avaient fait l’objet de sanctions, contre cinq en 2020 et six en 2019.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse