Le policier Yannick Dauphinais, qui était accusé d’agression sexuelle, a été acquitté au palais de justice de Longueuil, jeudi. Le juge a toutefois écorché le comportement de l’homme qui a flirté avec une citoyenne alors qu’il était en service.

« Un policier en uniforme, sur ses heures de patrouille, ne devrait en aucun cas avoir un comportement s’apparentant à un flirt lors de ses interactions avec les citoyens dont il assure la protection », a déclaré le juge Bertrand Saint-Arnaud, quelques secondes après avoir acquitté l’ex-policier de la Régie intermunicipale de Roussillon.

Le juge a d’ailleurs mentionné que le témoignage de Yannick Dauphinais était difficile à croire. Celui-ci a fait valoir qu’il a eu un coup de foudre pour une citoyenne alors qu’elle mettait de l’essence dans sa voiture dans une station-service de La Prairie, en juillet 2021. Lors de sa défense en mars dernier, Yannick Dauphinais a parlé de « tourtereaux », de « merveilleux moments », d’échanges de « beaux sourires » et de « beaux yeux » entre la plaignante et lui.

Le juge a trouvé ce récit romancé et exagéré. Or, il a aussi relevé des imprécisions, très fréquentes, dans la version de la plaignante.

Elle a par exemple mentionné avoir une « absence totale d’intérêt » pour le policier, mais a quand même accepté qu’il vienne chez elle, l’a accommodé sur l’heure de la visite et lui a donné son adresse exacte. Elle a également été incapable de dire si le policier l’embrassait au cœur des faits reprochés.

Ces éléments, « ajoutés les uns aux autres », ont semé un doute dans l’esprit du juge qui a toutefois mentionné que s’il avait dû choisir une version, il aurait opté pour celle de la plaignante. « Il est en effet non seulement possible, mais probable que l’évènement du 21 juillet 2021 se soit déroulé comme le relate la plaignante », a-t-il affirmé.

« Or, le rôle du Tribunal consiste plutôt à se demander si, en analysant l’ensemble de la preuve, la poursuite a démontré la culpabilité hors de tout doute », a-t-il ajouté.

Des versions contradictoires

Le juge Saint-Arnaud était en présence de deux versions contradictoires. Le 21 juillet 2021, le policier alors âgé de 41 ans a fait la rencontre de la citoyenne de 28 ans et lui a demandé son numéro de téléphone. Le lendemain, il l’a textée afin de la visiter chez elle « deux minutes » alors qu’il était en service.

La femme a toujours dit que le policier l’a embrassée, lui a caressé les seins et les fesses puis qu’elle l’a masturbé pour éviter de lui faire une fellation. Le policier, lui, a affirmé que c’est la femme qui était « entreprenante », qui l’a embrassé et qui a dirigé sa main vers son entre-jambes.

En terminant de lire son jugement de 27 pages, le juge a souligné la force de la plaignante. « Témoigner et faire face à un contre-interrogatoire serré comme dans un dossier comme celui-ci n’est pas un exercice facile, loin de là. La plaignante peut être satisfaite de son parcours même si le verdict final, compte tenu de nos règles de droit, n’est probablement pas à la hauteur de ses attentes. »

Yannick Dauphinais et son avocate, MGenesis Rondon Diaz, ont préféré ne pas émettre de commentaires à leur sortie de la salle de cour. Le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme, a pris un moment pour souligner lui aussi la force de la plaignante.

« Ce n’est pas parce qu’il y a eu un acquittement que justice n’a pas été rendue. Ce n’est pas parce qu’il y a eu un acquittement que cette personne-là est venue témoigner pour rien. Au contraire, elle a fait preuve de force, elle a dénoncé les gestes qui ont été commis à son endroit, elle s’est tenue debout dignement à travers tout le processus », a-t-il dit.

MLaflamme, qui a repris le dossier de sa collègue Amélie Rivard nommée juge en juin dernier, a aussi mentionné la complexité des dossiers d’agressions sexuelles dans lesquels les juges doivent trancher entre deux versions aussi contradictoires.

« C’est toujours difficile parce que le juge, comme il l’a bien expliqué, il n’a pas à choisir entre une version et une autre. Il doit évaluer l’ensemble de la preuve et si à la lumière de l’ensemble de la preuve, il subsiste un doute, le juge doit acquitter. C’est son devoir », a ajouté MLaflamme.