Une jambe enflée recouverte de taches noires, une plaie qui expose l’os, des draps mouillés : Johanne Bilodeau, une femme quasi paralysée qui serait morte sans avoir reçu de soins, était en très mauvais état et gémissait de douleur la veille de sa mort.

C’est du moins ce qui ressort des témoignages des professionnels de la santé chargés de traiter Johanne Bilodeau le 23 septembre 2020, la veille de son décès.

Son mari Bruno Turcotte est accusé d’homicide involontaire. Il aurait laissé sa femme quasi paralysée mourir en ne lui fournissant pas les soins nécessaires. Son procès s’est poursuivi jeudi à Laval devant le juge Daniel W. Payette. Johanne Bilodeau, 58 ans, est incapable de se nourrir, de se laver et de se déplacer seule depuis un ACV survenu en 2011, selon les témoignages entendus plus tôt cette semaine.

La victime est maigre et recroquevillée sur elle-même à son arrivée à l’hôpital Pierre-le-Gardeur, a décrit Nancy Leclerc, l’infirmière qui l’a accueillie aux urgences la veille de sa mort. La jambe de la patiente est recouverte d’une « croûte brune », ses ongles sont longs et sales. « Il y avait de la mousse entre ses orteils », a-t-elle précisé. Son teint est « grisâtre » et son regard « vide, éteint ».

Elle remarque une plaie au bas du dos exposant les os, a souligné la professionnelle de la santé à un moment de son témoignage.

Johanne Bilodeau ne s’exprime que par des gémissements, a également expliqué au jury Mme Leclerc, infirmière à l’urgence depuis 2012.

Le corps de la victime est difforme : elle est amaigrie, mais ses jambes sont enflées, selon une autre témoin. « Ses jambes étaient comme des pattes d’éléphant », a illustré Véronique Pedneault, infirmière clinicienne également chargée de soigner Johanne Bilodeau.

« Je sentais que je ne pouvais rien faire », a-t-elle expliqué en pleurant, visiblement émue.

La patiente est mal en point, le médecin est déjà venu la voir, a-t-elle dit au jury. « On a peu d’espoir […] J’ai fait mon possible. »

Draps trempés

À l’arrivée des paramédicaux dans l’appartement de Terrebonne où habitent Johanne Bilodeau et son mari, les draps du lit de Johanne Bilodeau sont mouillés au niveau des hanches. C’est le constat de Tommy Melançon-Roy, l’ambulancier chargé de transporter Johanne Bilodeau à l’hôpital en septembre 2020.

Il remarque des taches noires du mollet jusqu’aux orteils sur la jambe de Mme Bilodeau, et observe que les soins d’hygiène « laissaient à désirer », a-t-il raconté dans son témoignage jeudi. Il relève aussi la plaie de pression au niveau du coccyx. « C’était jaunâtre, ça sentait l’infection », a-t-il dit en audience.

L’avocat de la défense, MMarc Labelle, a brièvement questionné le témoin sur la nature non urgente de l’appel. L’ambulancier avait auparavant expliqué avoir reçu un appel « de basse priorité » pour des plaies de pression.

Le procès continue vendredi au palais de justice de Laval. C’est MGeneviève Aumond et MKarine Dalphond qui représentent le ministère public.