La clinique québécoise Ovo, spécialisée en procréation assistée, est poursuivie par un homme qui soutient que son sperme a été utilisé sans son consentement par son ex-femme. Il reproche à l’entreprise d’avoir été négligente.

Cette histoire occupe les tribunaux québécois depuis 2016 et l’occupera quelques années encore. Tant de questions sous-jacentes ont d’abord dû être réglées qu’une date de procès sur le fond de l’affaire n’a pas encore été fixée.

La poursuite a été déposée en 2016. L’homme*, qui poursuit Ovo et son ex-femme, réclame 1,47 million en dommages-intérêts. Cette somme, allègue-t-il, vise à couvrir l’utilisation sans son autorisation de son sperme et la pension alimentaire qui lui est réclamée pour l’enfant qui est née de l’intervention.

L’homme et la femme se sont mariés en 2011. L’homme a alors déjà cinq enfants nés d’unions précédentes. (Juridiquement, il n’a plus de lien de filiation avec les deux derniers, qui ont été adoptés par un autre homme en 1976.) 

Dans les mois qui suivent le mariage, l’homme fournit un échantillon de son sperme à Ovo pour que sa conjointe puisse subir un traitement de fécondation in vitro.

En 2014, plus rien ne va. Le couple se sépare. « C’est le coup d’envoi d’une cascade de recours au Québec et à l’étranger », résume le juge Bernard Jolin dans l’une des décisions.

L’homme soutient ne plus avoir eu de relations sexuelles avec sa femme depuis avril 2014. Or, en mai 2015, à Chypre, son ex-femme donne naissance à une fille bien portante. La naissance de l’enfant est enregistrée auprès de la Principauté de Monaco. Dans les documents officiels, l’ex-mari est identifié comme le père.

La femme avait fait appel à la société Élite, établie à Genève, en Suisse, une agence qui ne fait pas d’insémination ou de fécondation in vitro, mais qui agit comme intermédiaire et qui a notamment trouvé une donneuse d’ovules à la femme.

La conception s’est donc faite avec le don d’ovule d’une autre femme et avec le sperme du poursuivant. Le demandeur soutient que sa signature a été contrefaite et qu’il n’a jamais autorisé le transfert de son échantillon de sperme d’Ovo vers la clinique Genesis, où l’intervention médicale a été pratiquée.

Dans sa poursuite contre son ex-femme et contre Ovo, l’homme reproche à la première la falsification de documents en vue de procréer avec son sperme. Il reproche par ailleurs à Ovo d’avoir été négligente en ne vérifiant pas adéquatement l’identité du signataire et de ne pas avoir sauvegardé adéquatement son prélèvement.

Une cause très compliquée

Toute cette cause est entre autres compliquée par le fait que l’homme est mort en 2019 et que deux de ses enfants ont repris l’instance.

Les trois entreprises de procréation assistée impliquées se sont aussi disputées quant à leurs responsabilités respectives. Ovo a soutenu par exemple que la société qui avait servi d’intermédiaire, Elite IVF, de même que celle où a été réalisée la fécondation, Genesis, auraient toutes deux dû s’assurer du consentement de l’homme.

Dans la plus récente décision dans cette affaire, le 5 septembre, la Cour d’appel a rejeté la cause contre Élite, qui n’est donc plus inquiétée. En revanche, Genesis (qui a pratiqué l’intervention médicale) devra continuer de se défendre de toute responsabilité.

En entrevue téléphonique, David Sher, fondateur et président de la firme Elite IVF, s’est dit soulagé que la Cour d’appel ait mis un point final au litige quant à l’implication de son entreprise. Même si la poursuite a été déposée en 2016, il prédit que cette cause, vraiment « très compliquée », mettra encore beaucoup de temps à trouver sa conclusion légale.

« En 20 ans de services », M. Sher dit que son entreprise n’a jamais été mêlée à une telle histoire, qui l’a secoué suffisamment pour s’assurer de resserrer ses contrôles.

Ovo ne nous a pas transmis ses commentaires, pas plus que Genesis ou la famille.

* Pour protéger l’enfant dont il est question, La Presse a choisi de ne nommer ni l’enfant ni ses parents.

Avec la collaboration de Judith Lachapelle, La Presse