Sarah* avait 13 ans quand elle est tombée dans les griffes d’une prédatrice à son école secondaire : l’éducatrice spécialisée qui devait pourtant l’aider. Pendant trois ans, l’adolescente a vécu en « couple » avec cette femme qui a même réussi à obtenir sa garde légale. Véronie Campeau mérite quatre ans de pénitencier, selon la Couronne.

« La victime était particulièrement vulnérable. Pendant un moment difficile de sa vie, elle est allée demander de l’aide auprès de l’accusée », a fait valoir la procureure de la Couronne MKarine Lagacé-Paquette jeudi lors des observations sur la peine au palais de justice de Montréal.

La femme de 42 ans a plaidé coupable le printemps dernier à des chefs de contact sexuel sur une mineure, d’incitation à des contacts sexuels et d’exploitation sexuelle. Véronie Campeau a profité de son rapport d’autorité envers la victime pour l’exploiter de 2011 à 2014.

L’éducatrice spécialisée – qui a travaillé dans plusieurs écoles du Grand Montréal – a commencé à avoir des contacts sexuels avec Sarah deux mois après leur rencontre. L’accusée a montré à l’adolescente ce que c’était « faire l’amour ». Des agressions pures et simples, résume la victime, dans sa déclaration aux policiers.

Dès l’été, Véronie Campeau et Sarah se comportent comme « un couple ». Fait particulièrement troublant : leur relation de « couple » était connue de leur entourage. « Tous ont baissé les yeux pour différentes raisons », indique un rapport policier.

« Véronie me dit toujours qu’on est en couple et qu’on est amoureuses et qu’elle veut me marier et me faire des enfants. Plusieurs fois, on va dormir dans des petits motels miteux », déclare Sarah aux policiers.

Enfermée dans une « vie d’adulte »

Quand Sarah est en quatrième secondaire, elle emménage « officiellement » chez Véronie Campeau, qui obtiendra l’année suivante la garde de l’adolescente, en se faisant passer pour une « amie de la famille » auprès de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Aujourd’hui, Sarah raconte qu’elle était « toujours triste » à l’époque. Elle confie avoir été enfermée dans une « vie d’adulte » par Véronie Campeau.

« Je croulais sous les responsabilités d’adulte et j’avais l’impression que Véronie me mettait toujours de la pression. Pression pour que je fasse de l’argent, que j’aie plus de temps libre, que je parle plus comme une adulte », a-t-elle témoigné jeudi.

« Quand je repense à Véronie, j’ai mal au cœur », poursuit Sarah. Maintenant dans la vingtaine, elle confie s’être fait « voler » son innocence et son droit d’être avec une personne de son âge.

Même si le risque de récidive de l’accusée est faible, une peine de quatre ans de pénitencier est adéquate, selon la Couronne, compte tenu des nombreux facteurs aggravants. La Cour suprême, en 2020, a d’ailleurs haussé considérablement les peines imposées en matière de crimes sexuels contre les mineurs.

La défense réclame une peine de deux ans de pénitencier. MGary Martin convient que le crime de sa cliente est « abominable ». « Il n’y a pas d’excuse à abuser d’un enfant », a-t-il martelé, en évoquant une « histoire d’amour mal placée et illégale ».

Le criminaliste souligne toutefois l’empathie et les regrets démontrés par sa cliente, selon les rapports. « Elle regrette. Elle sait qu’elle a brisé les règles », a souligné MMartin. Véronie Campeau a choisi de ne pas témoigner jeudi.

La juge Anne-Marie Lanctôt entend accorder un « poids très important au plaidoyer » de Véronie Campeau. Elle rendra sa sentence en décembre prochain.

*Nom fictif pour préserver l’anonymat de la victime