(Québec) La Sûreté du Québec (SQ) a commis une série d’erreurs qui ont nui aux efforts de recherche des sœurs Norah et Romy Carpentier, tuées par leur père dans un bois de Saint-Apollinaire en juillet 2020.

C’est ce que conclut le coroner en chef adjoint Luc Malouin, qui a dévoilé mardi matin son rapport d’enquête publique. MMalouin a interrogé une cinquantaine de témoins sur une vingtaine de jours au début de l’année.

« Je reste avec la conviction que l’on a tardé à traiter le dossier comme le pire des scénarios, et que dans la hiérarchie policière, certains ont oublié cette notion essentielle », indique le coroner dans son rapport de 85 pages.

Le coroner formule une série de recommandations. Il exhorte notamment la SQ à mieux former ses policiers au contexte particulier des disparitions. Il ajoute que les effectifs déployés sur le terrain par le corps policier n’étaient pas suffisants.

« Dans un dossier comme le présent dossier, l’enquêteur a vite été débordé par la situation. C’était un jeune enquêteur qui n’avait pas encore fini sa formation et avait peu d’expérience », note le coroner, qui recommande donc d’assigner au moins deux enquêteurs aux disparitions d’enfants.

« Je crois que lors de la disparition d’enfants de moins de 13 ans, la présence de deux enquêteurs n’est pas un luxe », écrit-il.

MMalouin conclut aussi que la SQ aurait dû rapidement demander l’aide des médias. « Je crois que le matin du 9 juillet, alors que toute la population s’éveille, ouvre la radio ou la télévision, lit les nouvelles dans les médias ou sur les réseaux sociaux, il s’agissait d’une occasion parfaite pour alerter la population de la disparition de trois personnes, dont deux jeunes filles », écrit-il.

C’est finalement la mère des fillettes qui a fait une publication au matin du lendemain des disparitions. « C’est à la suite de cette publication que deux personnes se sont manifestées et ont confirmé avoir vu Martin Carpentier et ses filles quitter les lieux de l’accident. »

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a réitéré mardi sa confiance envers la SQ. Mais il a ajouté dans la foulée : « Je m’attends à ce que la SQ mette en place les recommandations du coroner. »

Le ministre a retenu du rapport que chaque minute compte lors de disparition d’enfant. M. Bonnardel s’attend aussi à ce que les agents de la SQ soient mieux formés aux activités de recherche, une autre recommandation.

Il s’agit du deuxième rapport de coroner à s’intéresser au meurtre des fillettes de 6 et 11 ans. La coroner Sophie Régnière avait dévoilé il y a environ deux ans des conclusions elles aussi très critiques du corps de police provincial. La SQ avait alors reconnu publiquement qu’elle aurait dû faire mieux.

Martin Carpentier sonné par l’accident ?

Le soir du 8 juillet, Martin Carpentier était en voiture avec ses filles sur l’autoroute 20 lorsque sa Volkswagen a fait une embardée. Plusieurs personnes ont supputé que le père avait tenté de se tuer avec ses filles dans l’accident. Le coroner n’est pas de cet avis.

« Je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’un geste volontaire, mais bien d’une perte de maîtrise de son véhicule automobile », écrit le coroner.

« Dans sa panique, il s’est sauvé avec ses filles et ce n’est qu’au fil des heures suivantes, réalisant peu à peu la situation intenable dans laquelle il s’était placé, que l’idée de tuer ses filles avant de mettre fin à ses jours par la suite lui est venue. »

Les recommandations du coroner

  • Modifier la Politique de gestion « fugue, disparition, enlèvement » ENQ.CRIM.-36 afin de prévoir la présence de deux enquêteurs pour toute disparition d’un enfant de moins de 13 ans ;
  • Rappeler à tous ses officiers, enquêteurs et policiers l’importance de toujours considérer la disparition d’un enfant de moins de 13 ans comme le pire des scénarios et agir en conséquence ;
  • Équiper les véhicules et les policiers de la technologie nécessaire au partage commun de l’information recueillie lors d’une opération policière ;
  • Former les policiers de son service d’urgence, tant les policiers du bassin 1 que du bassin 2, conformément aux normes nationales en matière de recherches et de sauvetage, et s’assurer du maintien des compétences et de l’expérience conformément à la norme nationale CSA Z1620-15 ;
  • Mettre en place des protocoles de partenariat et de collaboration simples et efficaces avec les autres corps policiers, les agents de protection de la faune et les bénévoles de l’Association québécoise des bénévoles en recherche et sauvetage (AQBRS) et diffuser ces protocoles à l’ensemble de ses officiers ;
  • Déclencher rapidement après la disparition une alerte média dans les dossiers de disparitions, spécialement ceux impliquant un enfant de moins de 13 ans ;
  • Mettre en place un poste de commandement unifié dès le début d’une opération de recherches terrestres ;
  • Assigner un technicien en recherche terrestre à ce poste de commandement afin de faire le lien entre les chercheurs et les enquêteurs ;
  • Effectuer des rétroactions complètes à chaque fin de journée ;
  • Mieux rédiger tous les registres des opérations, tant pour le travail d’enquête que pour les recherches terrestres ;
  • Assigner deux techniciens en recherche terrestre lorsque, après les recherches initiales, du personnel supplémentaire est ajouté.