Un ex-entraîneur vedette de patinage artistique, vanté encore aujourd’hui par ses pairs, a été condamné lundi à un an de prison pour avoir agressé sexuellement un athlète de 14 ans dans les années 1980. La victime appelle les jeunes sportifs à dénoncer et déplore que les organisations sportives minimisent toujours de tels crimes.

« Il faut des dénonciations officielles, sinon, ça ne changera jamais. Les organismes et les associations ne sont pas capables de gérer ça. Tout le monde se connaît, tout le monde s’aide. Que des coachs viennent dire, encore aujourd’hui : “on a besoin de lui”, ça n’a pas de sens », a affirmé aux médias la victime, dont l’identité est protégée.

Richard Gauthier était une légende du patinage artistique au Canada. Sa longue carrière d’entraîneur lui a même valu une place au Temple de la renommée du patinage artistique canadien (depuis retirée). Or, l’homme de 61 ans cachait un sombre secret : il a agressé sexuellement un adolescent de 14-15 ans en 1984.

Malgré tout, une vingtaine de personnes du milieu du patinage artistique, dont des champions olympiques, ont encensé l’entraîneur pendant les procédures. Même l’actuel vice-président de l’Union internationale de patinage, Benoît Lavoie, a pris la parole pour vanter Richard Gauthier lors des observations sur la peine. Aucun témoin n’avait changé son opinion sur l’accusé, malgré le verdict de culpabilité.

Ces témoignages « illustrent bien dans quelle mesure la violence sexuelle faite aux enfants peut être invisible aux yeux de la société », analyse la juge Josée Bélanger, en rappelant à quel point les enfants victimes de violences sexuelles subissent d’importantes séquelles à long terme.

« Lui, il a pu jouir de cette belle vie-là, moi non », a lâché Clément*, en mêlée de presse. L’homme maintenant dans la cinquantaine est scandalisé que des figures du milieu du patinage qu’il a côtoyées pendant des années puissent continuer de « minimiser » les crimes de Richard Gauthier.

« Ça prouve la difficulté de dénoncer. Mais j’encourage tout le monde à le faire. Le processus est sauveur », a confié Clément, qui se dit « vraiment heureux » du processus judiciaire. « C’est la meilleure décision que j’ai jamais prise », assure-t-il.

« Il me demandait de le laver »

En 1984, Richard Gauthier était déjà un jeune entraîneur réputé. Son athlète « chouchou » était Clément*, un jeune patineur très talentueux de son club. « Richard, je l’ai admiré, aimé. Je lui ai fait confiance », a confié Clément dans une lettre présentée en cour.

Une journée, Richard Gauthier invite son athlète « chouchou » chez lui. Après une baignade dans la piscine de l’immeuble, Richard Gauthier démarre un « bain sauna » dans sa petite salle de bains. L’entraîneur et la victime finissent par se laver « mutuellement » dans la douche.

« Il me demandait de le laver. Il me lavait le dos, les jambes et passait par les fesses », a témoigné Clément.

Après la douche, Richard Gauthier s’est couché nu en position « cuillère » auprès du jeune athlète, également nu. Le sexe de l’agresseur était collé contre l’adolescent. Ensuite, Gauthier s’est assis sur la victime et lui a massé les jambes en frôlant ses testicules. Une expérience traumatisante pour la victime.

« [Richard Gauthier] a profité de cette proximité pour abuser de son élève », a souligné la juge Josée Bélanger. Le jeune entraîneur était en position d’autorité et de pouvoir vis-à-vis de la victime, a rappelé la juge.

La procureure de la Couronne MChristine Desjarlais réclamait 18 mois de prison, alors que la défense, représentée par MGiuseppe Battista et MLaurence St-Jean Juillet, demandait de la prison la fin de semaine ou à la maison.

La juge Bélanger a rejeté les peines suggérées par la défense en raison de l’importance de dissuader et de dénoncer les crimes sexuels contre les enfants. De telles peines viendraient envoyer un message « inapproprié » à la société et « banaliseraient » la gravité des crimes.

Richard Gauthier sera soumis à deux ans de probation. Il n’aura toutefois pas à s’inscrire au Registre des délinquants sexuels, a déterminé la juge.

Le jugement sur culpabilité a été porté en appel.

*Prénom fictif, pour préserver l’anonymat de la victime