L’acquittement controversé prononcé par la juge Joëlle Roy dans un dossier d’agression sexuelle a été porté en appel par la Couronne. La juge avait reproché à la plaignante d’avoir gardé les yeux fermés. Une « idée préconçue », selon le ministère public.

Ce verdict d’acquittement avait provoqué une cascade d’évènements le mois dernier. Dans un texte publié dans La Presse, le chroniqueur Yves Boisvert avait reproché à la juge de perpétuer le mythe de la « bonne victime » et s’était interrogé sur sa compétence compte tenu des nombreux jugements de la Cour d’appel infirmant ses décisions.

La juge Joëlle Roy avait réagi très fortement à cette chronique. Le matin de la parution, la magistrate avait pris le banc, en larmes, dans un procès pour inceste. Elle avait qualifié la chronique « d’attaque personnelle […] très vicieuse ». Le lendemain, toujours en salle d’audience, la juge Roy avait lu une lettre à Yves Boisvert, se disant victime de « violence » en tant que « femme ».

Depuis cette déclaration inusitée, la juge de la Cour du Québec est absente du palais de justice de Montréal.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La juge Joëlle Roy

Le jugement à l’origine de cette affaire visait Sufyan Haji Bik, un thérapeute montréalais de 60 ans. Celui-ci était accusé d’avoir agressé sexuellement une patiente au printemps 2021. Pendant un traitement, la femme a raconté avoir senti un objet sur ses seins – une sorte de « cône » –, mais n’a pas été en mesure de le voir, puisqu’elle gardait les yeux fermés.

Ensuite, la plaignante a affirmé que l’ostéopathe lui a touché rapidement la vulve et la région pelvienne. Elle aurait ensuite dit à l’homme d’arrêter en lui prenant le poignet.

« Si elle dit être capable de prendre les poignets de l’accusé afin qu’il cesse de la masser dans la région pelvienne et de lui dire qu’elle est là pour son dos, elle peut aussi ouvrir les yeux lors de l’épisode des "cônes", ce qu’elle ne fait pas », conclut la juge Roy.

De plus, selon la juge, même si ces gestes étaient vrais, ceux-ci ne constitueraient pas un acte à connotation sexuelle, selon la juge Roy. « L’utilisation de l’huile a pu faire glisser la main et le geste est très rapide », a-t-elle affirmé.

Dans l’avis d’appel déposé la semaine dernière à la Cour d’appel, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) retient trois moyens d’appel. En premier lieu, le DPCP maintient que la juge Roy a analysé la preuve à la lumière d’une « idée préconçue du comportement attendu des parties ».

Également, le DPCP reproche à la juge d’avoir cru la dénégation générale de l’accusé sans examiner son témoignage à la lumière de la preuve. De plus, la juge a erré en concluant que certaines gestes, comme celui de pénétration digitale, ne constituaient pas des agressions sexuelles, soutient le DPCP.

Le ministère public demande ainsi d’annuler le verdict d’acquittement et d’ordonner un nouveau procès.