Trois décennies d’attente. De résilience. D’incertitudes. Presque 30 ans plus tard, les parents de la petite Marie-Chantale Desjardins peuvent enfin respirer avec l’arrestation du tueur présumé de leur fille. Véritable prédateur, Réal Courtemanche est accusé d’avoir assassiné la fillette de 10 ans en juillet 1994.

Vêtu d’un chandail bleu et portant une petite croix au cou, Réal Courtemanche semblait presque blasé de se retrouver dans le box des accusés mardi au palais de justice de Saint-Jérôme. Son regard n’a pas croisé celui de la mère de la petite Marie-Chantale, entourée de ses proches dans la salle d’audience.

« Oui. Non coupable », a plaidé Courtemanche pendant la brève audience. L’homme de 61 ans, déjà incarcéré depuis 2011 pour l’enlèvement terrifiant d’une jeune femme, a été accusé du meurtre au premier degré de Marie-Chantale Desjardins.

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La mère et le beau-père de Marie-Chantale Desjardins au palais de justice de Saint-Jérôme

« Ce sont des gens qui font preuve d’une grande résilience. On va être là pour les accompagner dans cette aventure-là. C’est du bon monde. C’est une étape difficile pour eux aujourd’hui », a commenté le procureur de la Couronne MSteve Baribeau, qui fait équipe avec MAlexandre Dubois.

C’était le 16 juillet 1994. La petite Marie-Chantale part de chez elle à vélo pour aller chez une amie, mais elle rebrousse chemin. En après-midi, des témoins aperçoivent la fillette à un casse-croûte à Sainte-Thérèse. Puis, silence radio. Pendant quatre jours, ses parents sont sans nouvelles et alertent les policiers.

Son corps est finalement retrouvé le 20 juillet 1994 dans le terrain boisé situé derrière le centre commercial Place Rosemère, à deux kilomètres de chez elle. Sa bicyclette n’est pas très loin. L’autopsie révèle qu’elle a été étranglée par son bourreau. Des marques de main sont en effet visibles sur son cou. L’enfant présente aussi des contusions au niveau des organes génitaux, ce qui laisse penser à une agression sexuelle.

L’ADN au cœur du procès

Le meurtre de Marie-Chantale Desjardins a fini par tomber dans les dossiers non résolus, ces fameux « cold cases ». Mais récemment, les progrès de la science en analyse d’ADN ont contribué à dénouer l’impasse dans l’enquête. La Sûreté du Québec évoque dans un communiqué les « méthodes innovantes utilisées de nos jours en biologie judiciaire ».

« C’est sûr que ce n’est pas un témoin qui est sorti d’un chapeau 30 ans plus tard. C’est un dossier de preuve scientifique. Ça va être l’enjeu de ce procès », a commenté MBaribeau en mêlée de presse.

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Les procureurs de la Couronne MSteve Baribeau (à droite) et MAlexandre Dubois (à gauche).

Le Québec était accablé par de nombreux meurtres de jeunes femmes et d’adolescentes au début des années 90. De nombreux crimes sont d’ailleurs toujours non résolus. Par exemple, Mélanie Cabay, 19 ans, a été étranglée à mort à peine trois semaines avant la petite Marie-Chantale. Est-ce que Réal Courtemanche pourrait être accusé dans d’autres dossiers ?

« S’il y avait eu d’autres accusations à porter, ce serait fait. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir d’autres informations. Mais avec ce qu’on a présentement, il n’y a pas d’autres accusations qui s’en viennent », a rétorqué le procureur de la Couronne.

Le procès de Réal Courtemanche devrait avoir lieu rapidement, puisque le ministère public a procédé par un « acte d’accusation direct », ce qui permet d’éviter l’enquête préliminaire. Devant la juge Hélène Di Salvo, MBaribeau a même déposé un dossier de procès complet « à quelques virgules près ».

Il adore les scénarios de viol humiliant

Réal Courtemanche a passé presque toute sa vie derrière les barreaux. Depuis 2015, il porte l’étiquette de délinquant dangereux et purge une peine à durée indéterminée – la pire des peines – pour l’enlèvement d’une femme de 27 ans. Un soir de 2011, à Princeville, Courtemanche se faufile dans la voiture de sa proie et se cache dans la banquette arrière. Il porte une tuque, des gants et des lunettes protectrices.

Quand la victime entre dans sa voiture, Courtemanche surgit et lui place un couteau près de la tête et lui ordonne d’obéir sinon il la tuera. Il s’assoit à côté de sa victime et lui demande de rouler jusque dans un quartier industriel. Il en profite pour lui toucher la cuisse. À destination, une bagarre éclate avec la victime.

Courtemanche traîne sa victime par les cheveux dans un sentier. Désespérée, elle réussit à le convaincre de retourner à la voiture, puis profite de l’arrivée d’un autre véhicule pour frapper son agresseur et prendre la fuite.

En détention, Courtemanche est si menaçant envers le personnel qu’à chacune de ses condamnations depuis 1999, il est incarcéré dans des pénitenciers à sécurité maximale, rappelle la plus récente décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) qui refusait de le libérer en 2021.

Les experts brossent le portait d’un véritable prédateur au risque de récidive violente « très élevé ». Une évaluation phallométrique conclut même à une préférence sexuelle significative pour les scénarios de « viol avec humiliation ». Dans les rapports, Courtemanche est décrit comme un menteur pathologique et un manipulateur.

Un expert conclut qu’il se situe dans la partie supérieure des cas « mixtes » de psychopathe.

L’arrestation du tueur présumé de la petite Marie-Chantale est accueillie avec soulagement à l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD).

« Ma première émotion, c’est l’espoir pour ceux qui n’ont pas encore de nouvelles. Et un grand soulagement pour la maman de Marie-Chantale. La petite ne reviendra pas, mais au moins, la famille pourra tourner la page. C’est un immense soulagement », a affirmé à La Presse Anie Samson, directrice générale de l’Association.