De l’ADN a été découvert sur des « pièces à conviction » retrouvées sur le site des ossements de la petite Cédrika Provencher, a révélé en cour mardi l’avocat de Jonathan Bettez. Une preuve qui pourrait potentiellement disculper celui qui demeure le suspect numéro un des policiers dans ce meurtre qui a marqué le Québec en 2007.

« [Il y a] un rapport d’analyse, où on a analysé de l’ADN qui avait été retrouvé sur les pièces à conviction sur le site des ossements. Si cette analyse a révélé que ce n’est pas Jonathan Bettez, c’est un élément disculpatoire. Si ça a révélé que c’est Jonathan Bettez, j’ai le droit de le savoir », a plaidé MJessy Héroux, l’avocat de Jonathan Bettez, au palais de justice de Montréal.

À qui appartient cet ADN ? Cette information n’a pas été révélée en salle de cour. Dans tous les cas, c’est la première fois que la présence d’ADN sur le site des ossements de Cédrika Provencher est confirmée publiquement. Est-ce que les « pièces à conviction » évoquées réfèrent aux ossements, à des vêtements ou à d’autres éléments abandonnés par l’assassin ? Cela demeure un mystère. Et à cette étape du processus judiciaire, cela risque de le demeurer.

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Le suspect Jonathan Bettez au palais de justice de Montréal, lundi

Le secret entourant les ossements de Cédrika Provencher, découverts en 2015, s’est retrouvé au cœur du débat mardi pendant une audience préliminaire dans le cadre de la poursuite de 10 millions de dollars intentée par Jonathan Bettez et sa famille contre la Sûreté du Québec (SQ) et le gouvernement. Essentiellement, M. Bettez leur reproche d’avoir ruiné sa vie en le présentant faussement comme le meurtrier de la fillette disparue en 2007.

Les débats qui se sont déroulés mardi devant le juge Gregory Moore portent sur des questions préliminaires de communication de preuve. Il ne s’agit donc pas du procès. Le camp Bettez réclame d’obtenir les notes d’une enquêtrice de la SQ portant entre autres sur les ossements de la fillette de 9 ans. Le Procureur général du Québec (PGQ), qui représente la SQ, s’y oppose et évoque une « partie de pêche » des demandeurs.

Selon Me Héroux, la SQ pourrait détenir de la preuve susceptible de disculper Jonathan Bettez.

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MJessy Héroux, avocat de Jonathan Bettez, au palais de justice de Montréal, lundi

S’il y a quelque chose dans la découverte des ossements qui permet d’écarter Jonathan Bettez, c’est pertinent. […] J’ai besoin de savoir ces informations pour tester la preuve.

MJessy Héroux, avocat de Jonathan Bettez

Par ailleurs, des éléments détenus par la SQ pourraient permettre de conclure à une mort accidentelle de la fillette, a avancé Me Héroux. « [Si] la façon que les ossements ont été trouvés suggère que c’est peut-être un accident, c’est un élément disculpatoire qu’on a ignoré. On prétend que c’est un meurtre. Sur quelle base on s’appuie pour dire ça ? », s’est même questionné l’avocat de Jonathan Bettez.

Aux yeux du PGQ, la « technique » qui a permis d’identifier Cédrika Provencher n’est pas « pertinente » pour le camp Bettez.

Également, Me Héroux veut obtenir les notes de l’enquêtrice pour savoir ce qu’elle a dit aux parents de Cédrika Provencher pendant l’enquête. « On sait que [l’enquêtrice] les informait de certaines choses au fur et à mesure », a indiqué l’avocat. Un débat à huis clos devrait avoir lieu mercredi pour trancher l’enjeu des notes de l’enquêtrice.

Si Me Héroux tient à ces documents, c’est parce qu’il reproche à la SQ d’avoir « ignoré des éléments disculpatoires » pendant l’enquête et de s’être « acharné » sur Jonathan Bettez.

Son nom a fait le tour du Québec lorsqu’il a été accusé en matière de pornographie juvénile en 2016. Or, deux ans plus tard, Jonathan Bettez a été acquitté par un juge qui a reproché à la police des démarches abusives. M. Bettez et sa famille ont ensuite déposé une poursuite en dommages en reprochant à la SQ ses actions d’une « cruauté inouïe ».

« Le dossier de pornographie juvénile ne sort pas de nulle part, il arrive parce qu’on veut trouver de la preuve [pour l’enquête de meurtre]. […] Ce qu’on veut faire, c’est faire peur à Jonathan, à sa famille, le stresser pour qu’il y ait des confessions », a plaidé Me Héroux, en montrant son client, assis au premier rang dans la salle d’audience.

Le PGQ réclamait par ailleurs un huis clos sur toutes les audiences prévues cette semaine. Or, le juge Gregory Moore a donné raison aux médias pour permettre des débats publics dans la mesure du possible. Le magistrat prévoit ainsi imposer des ordonnances de non-publication au cas par cas pendant les débats.

L’histoire jusqu’ici

  • 2007 : Cédrika Provencher, 9 ans, disparaît à Trois-Rivières. L’affaire bouleverse le Québec.
  • 2015 : Des ossements lui appartenant sont retrouvés dans un secteur boisé de la ville.
  • 2016 : Le seul suspect du meurtre sans alibi, Jonathan Bettez, est arrêté et accusé de 10 chefs d’accusation liés à la possession, la distribution de pornographie juvénile et l’accession à celle-ci.
  • 2018 : Il est acquitté de tous les chefs liés à la pornographie juvénile et critique la police pour une « opération de pêche » et des démarches d’enquête abusives.
  • 2019 : Jonathan Bettez et sa famille déposent une poursuite contre les autorités et réclament 10 millions en dommages pour avoir brisé sa vie et sali son nom.