(Ottawa) Une trentaine de personnes qui avaient été arrêtées au Québec en 2016 pour des infractions liées à la drogue et qui avaient obtenu un arrêt des procédures devront finalement subir un nouveau procès, a statué vendredi la Cour suprême du Canada.

Le jugement du plus haut tribunal du pays signifie par ailleurs que les accusés auront une nouvelle opportunité de demander un arrêt des procédures, conformément cette fois aux balises établies par la Cour suprême.

Il y a huit ans, dans le cadre d’une opération policière d’envergure surnommée « projet Nandou », menée surtout dans la région de Trois-Rivières, 31 personnes avaient été arrêtées et accusées d’infractions liées à la production et au trafic de stupéfiants, surtout du cannabis.

Les arrestations ont eu lieu à plusieurs endroits et les accusés ont été divisés en quatre groupes distincts, en vue de procès séparés.

Les accusés du premier groupe ont alors déposé une requête en arrêt des procédures, alléguant des violations de leurs droits constitutionnels concernant les fouilles policières et le recours « sans délai » à l’assistance d’un avocat.

En 2018, un juge de la Cour supérieure a effectivement ordonné l’arrêt des procédures pour ce premier groupe, et les parties ont par la suite convenu que cette décision s’appliquerait aussi aux accusés des trois autres groupes.

La Cour d’appel du Québec a annulé ces deux jugements de la Cour supérieure et ordonné la tenue d’un nouveau procès, y compris une nouvelle audience sur la requête en arrêt des procédures, au motif que les accusés n’avaient pas tous « l’intérêt requis » pour l’obtenir.

L’affaire a ensuite été soumise à la Cour suprême, qui rejette maintenant le pourvoi.

Écrivant au nom de la majorité, la juge Michelle O’Bonsawin a souligné que deux types de conduite de l’État satisfont au seuil requis pour établir l’existence d’un « abus de procédure ».

La première est une conduite de l’État qui compromettrait l’équité du procès. La deuxième comprend des comportements qui, sans nécessairement menacer l’équité du procès, « portent néanmoins atteinte à l’intégrité du système judiciaire ».

La juge O’Bonsawin a conclu que tous les accusés dans cette affaire avaient qualité pour demander l’arrêt des procédures, même si certains d’entre eux n’avaient pas subi une violation de leurs droits constitutionnels qui compromettrait l’équité du procès ou entraînerait un abus de procédure.

Cependant, écrit-elle, le juge de première instance avait pour tâche de déterminer si le droit de chaque individu d’avoir recours « sans délai » à l’assistance d’un avocat avait été violé — et le juge de la Cour supérieure ne l’a pas fait.

La juge O’Bonsawin écrit qu’il fallait déterminer si les violations dans leur ensemble satisfaisaient au seuil d’abus de procédure dans la deuxième catégorie de comportements — ceux qui pourraient « porter atteinte à l’intégrité du système judiciaire ».

Enfin, elle conclut que le juge de la Cour supérieure a également commis une erreur en ordonnant l’arrêt des procédures pour tous les accusés, « sans avoir d’abord considéré l’existence des réparations moins draconiennes qui auraient pu corriger entièrement l’atteinte à l’intégrité du système de justice qu’il croyait avoir identifiée ».

Ces erreurs justifient donc la tenue d’un nouveau procès, y compris de nouvelles audiences sur les requêtes en arrêt des procédures, écrit la juge O’Bonsawin.