Sans même connaître les suspects dans le dossier du meurtre de Guylaine Potvin, une biologiste judiciaire a pu identifier le nom de famille précis de l’homme qui a été accusé du crime, 22 ans après les faits, grâce à une technique d’analyse génétique innovante.

Cette experte du Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML), Valérie Clermont-Beaudoin, est venue témoigner, mardi, au début de la troisième semaine du procès de Marc-André Grenon, au palais de justice de Chicoutimi.

L’homme est accusé d’avoir agressé sexuellement et tué Guylaine Potvin, le 28 avril 2000, à Jonquière, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, une affaire qui avait fait grand bruit à l’époque dans la région. Arrêté en 2022, plus de 20 ans après les faits, il a plaidé non coupable.

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La victime, Guylaine Potvin

L’experte a expliqué en détail le procédé derrière une technique d’analyse génétique novatrice nommée « projet patronYme » qui est au cœur de l’enquête ayant mené à son arrestation.

Développée récemment par le LSJML, cette technique se concentre sur le chromosome Y, une composante de l’ADN que seuls les hommes possèdent et qui est transmise de père en fils de telle sorte qu’elle est aussi associée, traditionnellement, aux noms de famille.

De l’ADN sous les ongles de la victime

Grâce à de l’ADN trouvé sur une scène de crime, le LSJML peut établir le « profil Y » d’un suspect et le comparer à une base de données qu’il a lui-même constituée grâce à des données disponibles sur des sites de généalogie participatifs comme Family Tree DNA.

Cette base de données, surnommée « pYste », permet de faire ressortir des noms de famille correspondant à l’ADN d’un suspect.

Dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Guylaine Potvin, le « profil Y » du suspect recherché a été établi grâce à de l’ADN trouvé sous les ongles de la main droite de la victime, a détaillé Valérie Clermont-Beaudoin, mardi.

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La biologiste judiciaire Valérie Clermont-Beaudoin a indiqué que « la correspondance [du nom de famille Grenon] était celle avec le plus haut pointage ».

Versé dans la base de données « pYste », ce profil a permis d’établir plusieurs correspondances, dont la plus précise était avec le nom de famille Grenon. « La correspondance était celle avec le plus haut pointage », a expliqué Valérie Clermont-Beaudoin. Il n’y avait aucune différence observée entre les allèles [des fragments d’ADN] des deux profils observés. »

Outre deux fragments d’ADN manquant au profil génétique associé au nom de famille « Grenon », les 21 autres étaient identiques au « profil Y » établi à partir de l’ADN fourni par les policiers. « La correspondance était parfaite », a donc conclu l’experte.

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Elle ignorait le nom du suspect

Au moment de transmettre cette information aux policiers, Valérie Clermont-Beaudoin ignorait les noms des suspects dans l’enquête sur la mort de Guylaine Potvin – parmi lesquels se trouvait Marc-André Grenon.

« On transmet les patronymes à l’aveugle sans savoir si les noms correspondent », a-t-elle décrit en précisant que le fait qu’un nom soit identifié ne constitue pas en soi une preuve de culpabilité, mais plutôt une piste d’enquête. « Il va falloir un échantillon d’ADN de cette personne pour faire la comparaison. »

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L’accusé, Marc-André Grenon

Une fois informés de cette découverte, les enquêteurs de la Sûreté du Québec ont pu entamer une filature sur le suspect depuis son domicile, à Granby, jusque dans une salle de cinéma.

Au terme de cette opération, ils ont pu récupérer deux pailles et un verre sur lequel un échantillon d’ADN collecté a permis d’établir une correspondance avec l’ADN retrouvé à l’époque sur la scène du crime. Marc-André Grenon a finalement été arrêté en octobre 2022.

Contre-interrogatoire

En fin de matinée, mardi, son avocate, MVanessa Pharand, s’est employée à mettre en doute la fiabilité de la technique « patronYme ».

Le LSJML n’a aucun moyen de vérifier la fiabilité des données qu’elle puise sur des sites de généalogie où des membres du public versent de façon consentante leurs profils génétiques, a ainsi admis Valérie Clermont-Beaudoin, lors de son contre-interrogatoire.

« Les gens qui participent […] le font pour établir leurs arbres généalogiques, alors je ne vois pas quelle serait leur motivation à fournir de fausses informations », a-t-elle nuancé.

En plus du nom de famille Grenon, le « projet patronYme » a aussi fait ressortir un autre nom de famille jugé « prioritaire », le patronyme Verdusco, ainsi que 384 noms de famille jugés « secondaires », a également détaillé Valérie Clermont-Beaudoin.

L’histoire jusqu’ici

28 avril 2000

Guylaine Potvin est agressée sexuellement, puis assassinée dans son appartement de Jonquière, au Saguenay.

12 octobre 2022

Marc-André Grenon, aujourd’hui âgé de 49 ans, est arrêté à son domicile de Granby et accusé d’être l’auteur de ces crimes. Il plaide non coupable.

15 janvier 2024

Le procès de Marc-André Grenon débute au palais de justice de Chicoutimi avec la sélection du jury. Les procédures pourraient durer jusqu’à six semaines.

En savoir plus
  • 138 000
    Nombre de noms de famille contenus dans la base de données « pYste » lorsque le profil ADN collecté sur le corps de Guylaine Potvin y a été versé à la recherche d’une correspondance.
    source : Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale
    8334
    Nombre de correspondances découlant de l’analyse de l’ADN trouvé sur le corps de Guylaine Potvin. De ce nombre, 384 ont été jugés comme des sujets d’intérêt « secondaire » et deux d’intérêt « prioritaire », dont le nom de famille Grenon, qui est ressorti tout en haut de la liste.
    source : Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale