Une journaliste de Radio-Canada a-t-elle bien fait son travail dans un reportage de 2015, en donnant la parole à des femmes autochtones disant avoir été agressées par des policiers de Val-d’Or ? L’avocat des 42 policiers qui poursuivent la société d’État a mis en lumière de nombreuses contradictions dans les témoignages d’une de ces femmes sur les évènements.

De plus, on a appris que l’un des policiers visés par des plaintes pour des violences physiques et sexuelles ne travaillait plus pour la Sûreté du Québec (SQ) depuis plusieurs années au moment des faits allégués dans le reportage.

Les 42 policiers de la SQ de Val-d’Or poursuivent en diffamation Radio-Canada et la journaliste Josée Dupuis, de l’émission Enquête, à cause du reportage « Abus de la SQ : des femmes brisent le silence ». Ils réclament 2,9 millions.

Le procès s’est poursuivi jeudi au palais de justice de Montréal, devant le juge Babak Barin.

Après la diffusion du reportage, le gouvernement avait constitué la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, présidée par Jacques Viens. Une enquête criminelle avait aussi été confiée au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), mais aucune accusation n’a finalement été portée.

Été ou hiver ?

Jeudi, l’enquêtrice Brigitte Dufresne, du SPVM, a témoigné au sujet des versions contradictoires données par l’une des victimes alléguées, qu’elle a rencontrée à plusieurs reprises.

« Dans le reportage, elle parlait d’un évènement survenu en hiver. Lors de notre rencontre, elle parlait du mois d’octobre en se référant à la date d’anniversaire d’un de ses enfants », a expliqué Mme Dufresne.

Plus tard, une amie de cette femme, à qui elle s’était confiée, a toutefois affirmé à l’enquêtrice qu’elle était certaine que l’évènement s’était produit en août 2014, parce que c’était le seul moment où elle se trouvait à Val-d’Or.

Tout au long du témoignage de Brigitte Dufresne, il a été répété que la plaignante disait elle-même avoir des problèmes de mémoire, notamment parce qu’à cette période, elle consommait beaucoup d’alcool et de drogue.

L’avocat des policiers, MMarco Gaggino, a aussi soulevé le fait que la femme avait d’abord dit avoir été violentée et abandonnée dans le stationnement d’un Walmart, pour se raviser plus tard et affirmer que c’était plutôt dans le stationnement du poste de police.

L’avocate de Radio-Canada et de sa journaliste, MGeneviève Gagnon, s’est opposée aux questions de la partie adverse en soulignant « qu’on ne peut pas comparer une enquête journalistique à une enquête policière ».

« Par conséquent, ce témoignage n’est pas pertinent parce que Mme Dupuis n’a pas eu accès à l’enquête de Mme Dufresne, qui a été faite après le reportage, par ailleurs. »

MGaggino a rétorqué que la journaliste aurait dû elle aussi rencontrer l’amie de la plaignante pour recueillir sa version. « Ce n’était pas une information inconnue. Elle avait juste à faire exactement la même démarche. Ce n’est pas parce que c’est une policière. Ça ne change rien. On n’a même pas essayé la démarche », a déploré l’avocat.

Les noms de deux policiers ou ex-policiers visés par les allégations de femmes autochtones ont été mentionnés lors du témoignage de l’enquêtrice, mais une ordonnance de non-publication empêche les médias de les révéler pour le moment. Ces noms n’étaient pas mentionnés dans le reportage de Radio-Canada.

Le procès doit se poursuivre pendant 13 semaines.