(Ottawa) Peines de prison plus sévères, interdiction de la vente de dispositifs de piratage, collaboration accrue entre policiers et douaniers au port de Montréal : le gouvernement Trudeau a dévoilé jeudi les premiers contours de son plan pour lutter contre l’épidémie de vols d’autos au pays.

Ce qu’il faut savoir

  • Le sommet national sur le vol de véhicules a réuni plus de 700 participants à Ottawa.
  • Le gouvernement Trudeau promet des peines de prison plus sévères pour les vols commis avec violence, entre autres mesures.
  • Environ 90 000 voitures sont volées chaque année au Canada, ce qui entraîne des coûts d’environ 1 milliard pour les assurés et les contribuables canadiens.

À l’issue du sommet national pour lutter contre le vol de véhicules, le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, s’est aussi engagé à mettre en place rapidement d’autres mesures plus costaudes qui seront détaillées au cours des prochaines semaines afin d’enrayer le fléau que représente au pays le vol de véhicules – crime de plus en plus violent et très lucratif, qui permet de financer les activités de groupes criminels ici comme à l’étranger, et qui fait maintenant du Canada le lieu d’approvisionnement par excellence en véhicules volés à travers le monde, selon Interpol.

Conscients de l’urgence d’agir, certains des participants à ce sommet ont annoncé de nouvelles mesures. C’est le cas de la présidente-directrice générale de l’Administration portuaire de Montréal, Geneviève Deschamps, qui a indiqué que des antennes seront prochainement installées dans des endroits stratégiques afin de faciliter la détection rapide de véhicules volés qui sont dotés de systèmes de repérage et qui se trouvent dans un conteneur au port. « Nous croyons qu’il s’agit d’une initiative qui va rapidement permettre d’améliorer les interventions pour récupérer des véhicules entrés illégalement au port de Montréal », a-t-elle dit.

C’est aussi le cas de la Gendarmerie royale du Canada. Le grand patron du corps policier fédéral, Michael Duheme, a annoncé que d’ici une semaine, le Centre d’information de la police canadienne (CIPC), qui renferme les informations concernant les biens et les véhicules volés, sera intégré à la base de données d’Interpol, qui regroupe 196 pays. Au Canada, le CIPC est déjà consulté 330 000 fois par jour, a souligné le commissaire de la GRC.

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a pour sa part confirmé qu’Ottawa va interdire par voie réglementaire l’importation, la vente et l’utilisation de dispositifs de piratage informatique qu’utilisent les bandits pour copier les signaux sans fil du système de télédéverrouillage et s’enfuir avec des véhicules sans avoir la clé d’origine.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, la directrice générale de la Sûreté du Québec, Johanne Beausoleil, et le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, Thomas Carrique

« On serre la vis aux criminels », a lancé M. Champagne au début du sommet, auquel ont pris part quelque 700 participants, dont les représentants des constructeurs automobiles, des compagnies d’assurances et des forces de l’ordre, ainsi que des maires et plusieurs ministres.

« Ce que l’on veut, c’est rendre la vie le plus difficile possible à tous ces gens-là qui sont impliqués dans le vol des voitures », a-t-il ajouté, évoquant aussi l’utilisation de l’intelligence artificielle pour lutter contre ce fléau.

Peines plus sévères

De son côté, le ministre de la Justice, Arif Virani, a affirmé qu’il travaillait sur des amendements au Code criminel pour imposer des peines plus sévères pour les vols d’autos commis avec violence – un phénomène qui prend de l’ampleur.

Dans la grande région de Toronto, par exemple, on constate que les malfaiteurs se livrent à ce que les policiers appellent carjacking, soit des vols sous la menace et avec violence à l’endroit du conducteur. « Il y a eu une hausse de 206 % de ce genre de crimes », a indiqué le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, Thomas Carrique.

Ce dernier a d’ailleurs déploré que les personnes arrêtées en lien avec les vols d’autos s’en tirent avec des peines qu’il juge clémentes. « En Ontario, on a vu 68 % des individus arrêtés purger une peine de six mois ou moins. Il faut avoir des peines plus sévères. Il faut absolument avoir des mesures dissuasives pour ces crimes », a-t-il dit.

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Arif Virani, ministre fédéral de la Justice

M. Virani a répondu que des peines plus sévères sont dans les cartons pour certaines infractions.

Il y a une volonté d’en faire plus et d’une manière qui s’attaque au nœud du problème, et c’est le crime organisé.

Arif Virani, ministre fédéral de la Justice

Il a expliqué que le Code criminel a déjà été amendé pour instaurer des peines minimales pour le vol d’autos et des peines plus sévères s’il est lié au crime organisé.

Partage des renseignements

De son côté, le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, veut prendre les moyens qui s’imposent pour assurer un partage accru des renseignements entre la GRC, les divers corps policiers provinciaux et municipaux, la police ferroviaire et l’Agence des services frontaliers du Canada afin d’identifier et de retrouver les voitures volées.

Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, entend revoir les normes de sécurité des véhicules, de concert avec l’industrie, pour rendre le vol plus difficile grâce à de nouvelles technologies qui permettraient par exemple l’arrêt du véhicule à distance par le propriétaire ou qui faciliteraient son repérage.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a salué la décision du gouvernement Trudeau d’organiser le sommet. Elle a noté que des jeunes sont recrutés pour commettre ces crimes. L’an dernier, 50 % des personnes arrêtées dans la région de Montréal en lien avec le vol d’autos étaient des jeunes âgés de 12 à 24 ans, a-t-elle relevé. « C’est vraiment un enjeu majeur. […] En trois ans, il y a eu une augmentation de 260 % du nombre de voitures volées. C’est énorme. Ça crée un stress sur nos populations. Ça peut arriver à n’importe qui de se faire voler sa voiture », a-t-elle dit, après avoir révélé plus tôt avoir été elle-même victime d’un tel vol.