Revirement majeur à la cinquième semaine du procès de Marc-André Grenon : près de 24 ans plus tard, l’accusé a admis mercredi avoir causé la mort de Guylaine Potvin le 28 avril 2000. L’homme, qui n’a pas présenté de défense, plaide toutefois qu’il était non prémédité.

L’annonce de cette reconnaissance a été faite par le représentant de la Couronne, MPierre-Alexandre Bernard, en ouverture des plaidoiries, devant une salle bondée du palais de justice de Chicoutimi.

L’étau s’était resserré ces dernières semaines autour de l’accusé. Une biologiste judiciaire était notamment venue expliquer qu’il était « des centaines de milliards » de fois plus probable que l’ADN retrouvé sur la scène à l’époque appartienne à Marc-André Grenon plutôt qu’à quelqu’un d’autre.

L’identification du meurtrier de la jeune femme maintenant résolue, les arguments de chaque partie ont plutôt porté mercredi sur la séquence des évènements le soir du crime. Le résultat d’un plan préparé d’avance par Marc-André Grenon et visant à assouvir des pulsions sexuelles, selon la Couronne, ou le résultat d’une altercation découlant d’une tentative de vol chez Guylaine Potvin, selon la défense.

« La fin justifiait les moyens »

Le moment de l’agression sexuelle qu’aurait commise Marc-André Grenon sur la jeune femme a aussi pris une place centrale dans le débat, le meurtre étant automatiquement classé au premier degré si la mort a eu lieu dans la foulée, a détaillé au jury MPierre-Alexandre Bernard.

Ainsi, selon l’hypothèse de la poursuite, Guylaine Potvin aurait été surprise dans la chambre de son appartement de Jonquière alors qu’elle dormait. « [Marc-André Grenon] a profité de la grande situation de vulnérabilité de Guylaine pour l’attaquer sournoisement, la contrôler et la maîtriser, pour faciliter la perpétration d’une agression sexuelle », a exposé MBernard.

Une hypothèse appuyée, selon lui, par le témoignage d’une pathologiste judiciaire venue expliquer que certaines lésions retrouvées sur le corps de la victime avaient été causées alors que son cœur battait toujours.

Mais également par de nombreux indices laissés sur le corps de Guylaine Potvin par des gestes « à connotation sexuelle flagrante » qu’elle a subis : le fait qu’elle ait été retrouvée dénudée, la trace de morsure trouvée sur son sein, l’utilisation d’une boîte de condoms, entre autres.

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Guylaine Potvin

« Malgré toute la force et la détermination que Guylaine a pu donner, Marc-André Grenon a réussi son projet qui était justement d’assouvir ses pulsions sexuelles. Et ce, coûte que coûte, même si la mort de sa victime devait en résulter. Pour Marc-André Grenon, dans la nuit du 27 au 28 avril 2000, la fin justifiait les moyens. »

Meurtre non prémédité

De leur côté, les avocates de Marc-André Grenon ont plutôt plaidé que l’agression sexuelle pourrait avoir eu lieu à la suite de la mort de Guylaine, ce qui ouvrirait la porte à une accusation de meurtre non prémédité.

« Il n’y a aucune preuve que Guylaine Potvin était vivante au moment où Marc-André Grenon a eu des contacts sexuels avec elle », a expliqué MKarine Poliquin.

Selon elle, rien dans la preuve présentée au jury ne permet non plus d’établir le déroulement de ce qui s’est passé dans l’appartement de la victime, et encore moins les intentions qu’avait l’accusé.

Marc-André Grenon ne la connaissait pas, comme l’ont confirmé ses amies et colocataires, a rappelé MPoliquin. Il ne savait pas combien de personnes habitaient avec elle, et trois jours avant, il avait été arrêté par les policiers à Chicoutimi alors qu’il habitait dans un refuge pour personnes itinérantes.

Selon MPoliquin, Marc-André Grenon est entré dans l’appartement pour voler, comme le démontre l’état des deux premières chambres qu’il a trouvées sur son passage : sens dessus dessous et les tiroirs ouverts. « Mais lorsqu’il est arrivé dans la dernière chambre, il y avait quelqu’un qui dormait et il a été surpris. Il est arrivé face à elle. »

« Il existe plus d’une théorie plausible sur la séquence des évènements ; mais on ne saura jamais ce qui s’est réellement passé. Or, pour reconnaître l’accusé coupable, il ne doit subsister aucun doute raisonnable », a rappelé MPoliquin à propos de l’accusation de meurtre prémédité qui pèse contre son client.

Une dernière rencontre entre les parties doit avoir lieu jeudi matin avant que les directives soient données au jury en vue de sa délibération, qui devrait débuter la semaine prochaine.