Stéphane Gagné, qui avait tué et blessé deux gardiens de prison à la demande de Maurice Boucher durant la guerre des motards et qui avait ensuite témoigné contre ce dernier, le faisant condamner, a obtenu sa libération conditionnelle totale à la fin du mois de janvier dans le plus grand des secrets, a appris La Presse.

Normalement, la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) envoie automatiquement les décisions aux journalistes inscrits au registre des décisions d’un délinquant.

Mais dans ce cas-ci, c’est une tierce personne qui a appris la libération de Gagné à La Presse.

Nous avons demandé les décisions à la CLCC, qui a pris quelques jours avant de nous les envoyer.

Depuis le début, le processus de libération conditionnelle de Stéphane Gagné, 54 ans, l’un des témoins repentis les plus connus de l’histoire criminelle de la province, est entouré d’une discrétion extrême.

Les audiences de Gagné devant les commissaires des libérations conditionnelles se déroulent à huis clos.

Tous les passages qui concernent son plan de sortie sont caviardés dans les décisions.

Gagné, qui est protégé par la Sûreté du Québec, a une nouvelle identité, et d’après nos informations, il ne se trouverait plus dans la province.

Un long cheminement

Stéphane Gagné purge depuis 1998 une peine à perpétuité pour le meurtre de la gardienne de prison Diane Lavigne et pour une tentative de meurtre commise contre un autre agent correctionnel, Robert Corriveau, un an plus tôt.

Après avoir été arrêté, Gagné a retourné sa veste et a témoigné contre Maurice Boucher, qui a été reconnu coupable des meurtres des agents correctionnels et été condamné à son tour à l’emprisonnement à perpétuité en 2000. Boucher est mort d’un cancer au pénitencier en 2022.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le motard Maurice Boucher, en avril 2000

En 2013, Stéphane Gagné s’est adressé à la Cour supérieure pour faire devancer sa date d’admissibilité à une libération conditionnelle, et des policiers avec lesquels il avait travaillé avaient témoigné en sa faveur.

Après environ 20 ans d’incarcération, Stéphane Gagné a fait ses premiers vers la liberté par des sorties avec escorte en 2018.

Cinq ans plus tard, en février 2023, il a obtenu une première semi-liberté d’une période de six mois et il n’avait pas été envoyé dans une maison de transition, mais plutôt dans un endroit tenu secret pour sa sécurité.

En juillet 2023, sa semi-liberté a été reconduite pour une autre période de six mois sans que cela soit annoncé.

Durant cette semi-liberté qui a duré un an, Gagné « s’est acclimaté à son nouvel environnement », écrivent des commissaires des libérations conditionnelles dans deux décisions – en juillet 2023 et janvier 2024 – obtenues par La Presse.

Mal à l’aise avec son passé

Dans les décisions passablement caviardées, on comprend que Gagné s’adonne à un sport qui n’est pas précisé.

« Le domaine des fréquentations a fait l’objet d’une attention particulière lors de votre libération. Aucune préoccupation n’a été signalée dans cette sphère », écrivent les commissaires dans la décision par laquelle Gagné a obtenu sa libération conditionnelle totale le 25 janvier dernier.

« D’après la plus récente évaluation psychologique du risque, vous semblez faire preuve d’une réflexion plus approfondie. Votre discours ne reflète pas une adhésion aux valeurs criminelles et vous exhibez un malaise avec votre passé criminel, des éléments qui sont indicatifs de votre engagement à éviter votre mode de vie criminalisé. »

[…] Votre mode de vie et votre discipline sont remarquables et vous faites preuve de résilience et de tolérance face aux évènements inattendus.

Extrait de la la décision ayant mené à la libération conditionnelle totale de Stéphane Gagné

« La Commission retient que bien qu’il vous reste du travail à faire dans vos diverses sphères, dont celles des finances, de l’emploi et de votre réseau social, elle souligne que vous faites preuve de transparence », notent également les commissaires dans leur décision de huit pages.

Jusqu’à la fin de sa peine, à moins de nouvelles décisions à venir, Stéphane Gagné ne pourra communiquer avec ses victimes ou les membres de leur famille, ne pourra communiquer avec toute personne impliquée dans des activités criminelles, ne pourra posséder plus d’un téléphone cellulaire et plus d’une carte SIM, et devra être suivi par un psychologue.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.