Le fruit de la vente de la maison familiale : 590 000 $. Une aînée s’est fait dérober les économies d’une vie quand son conseiller financier s’est fait voler son identité. Alors qu’il s’est acheté pour un demi-million en lingots d’or, un escroc souhaite s’en tirer avec de la prison à domicile en faisant valoir son implication communautaire.

Ce qu’il faut savoir

  • Une Québécoise de 74 ans s’est fait voler 590 000 $, le fruit de la vente de sa maison.
  • Le conseiller financier de la dame avait été victime d’un vol d’identité.
  • Hardness Oppong, qui a acheté des lingots d’or avec l’argent de la fraude, risque un an de prison ferme.

« Je ne peux exprimer à quel point ça a été difficile. Je me suis sentie abusée psychologiquement », a témoigné avec émotion Jessica Ann Rochester, la semaine dernière au palais de justice de Montréal, lors des audiences sur la peine de Hardness Oppong (aussi connu comme Hardness Emmanuel Oppong).

L’Ontarien de 40 ans a plaidé coupable à un chef de recel en novembre dernier. En pratique, il reconnaît avoir détenu les fonds volés à la victime, sans être l’auteur de la fraude. La peine de 12 mois de prison réclamée par la Couronne est donc bien moindre que s’il avait été coupable de fraude.

Jessica Ann Rochester doit vendre la résidence familiale en 2018 lorsque son mari est frappé par la maladie. « C’était une période extrêmement difficile », confie la dame de 74 ans. Le profit de la vente de la maison est de 590 000 $. Une partie substantielle du patrimoine familial.

Quelques jours plus tard, Jessica Ann Rochester demande à son conseiller financier d’une petite firme montréalaise de l’aider à investir cette somme. Le lendemain, son conseiller lui envoie un courriel lui indiquant de transférer les fonds dans le compte de Living Legends à la Banque TD, ce qu’elle fait.

La dame l’ignorait, mais le système informatique de son conseiller financier avait été piraté. Ses 590 000 $ venaient de s’envoler. Pour Jessica Ann Rochester, c’était le choc. Elle a dû emprunter à ses proches et se lancer dans une bataille judiciaire contre son conseiller financier (une entente confidentielle a été conclue).

Ça a été très difficile pour moi de vivre avec le fait que quelqu’un avait empoché le fruit de la vente de notre maison.

Jessica Ann Rochester, victime de fraude

Encore des années plus tard, Jessica Ann Rochester vit de l’anxiété et de la colère. « On ne l’a jamais dit à mon mari », lâche-t-elle, émotive.

On ignore où sont les lingots

Qui a empoché les 590 000 $ ? L’accusé, Hardness Oppong, le fondateur de Living Legends. Dès le lendemain de la transaction, l’escroc a commencé à transférer les fonds à son entreprise Gold Stock Corporation. Plus tard, il a acheté deux lingots d’or d’une valeur de 507 900 $. Où sont ces lingots ? On l’ignore toujours.

Hardness Oppong prétend ne pas savoir comment les fonds se sont retrouvés dans son compte. Il est décrit comme un homme « naïf » dans un rapport présentenciel rempli d’erreurs. Son avocate, MFerial Charef, insiste sur le fait qu’il a seulement fait preuve « d’aveuglement volontaire » en négligeant de vérifier la provenance des fonds.

Un argument qui a fait réagir la juge Silvie Kovacevich. « Si plus de 500 000 $ apparaissaient dans mon compte bancaire, je poserais des questions », a-t-elle lâché.

Selon la juge, Hardness Oppong n’était peut-être pas le leader de l’arnaque, mais il en était « vraisemblablement un rouage essentiel ».

La défense a brossé un portrait très positif de Hardness Oppong, celui d’un homme très impliqué dans la communauté ghanéenne de Toronto. Il organise le festival GhanaFest, préside le Ghanaian Canadian Multicultural Community Centre et dirige neuf organismes à but non lucratif. « Il est un atout pour la société », a fait valoir MCharef, qui réclame une peine de deux ans de prison à domicile.

La Couronne réclame la prison ferme

Une peine de prison ferme s’impose, selon la Couronne, afin de dissuader les criminels de commettre de tels crimes. « Le vol d’identité est l’un des problèmes de l’heure. On reçoit des textos et des courriels tous les jours pour tenter de nous arnaquer », a plaidé le procureur MDenis Trottier, qui réclame un an de prison ferme.

Aux yeux de la Couronne, Hardness Oppong obtiendrait une « sacrée bonne entente [pretty sweet deal] » s’il s’en tirait avec de la prison à domicile, alors qu’il a potentiellement encore 500 000 $ en lingots d’or.

« Où est l’argent ? L’accusé a été le dernier à être en possession des lingots. C’est possible qu’il les ait encore. Il n’a pas donné d’information », a souligné MTrottier. Hardness Oppong n’a pas donné sa version.

Son implication dans la communauté doit être prise avec un grain de sel, selon la Couronne, puisque l’un de ses organismes à but non lucratif a été utilisé dans la fraude. Hardness Oppong a aussi des antécédents de fraude. Également, ses revenus font sourciller, puisqu’il a rapporté au fisc des gains d’à peine 9000 et 15 000 $ dans les dernières années.

La juge rendra son jugement en juin prochain.