La Cour d’appel du Québec entendra la famille d’un ouvrier agricole guatémaltèque mort en changeant un pneu d’une fourgonnette à la ferme où il travaillait en 2021. Une décision de première instance avait refusé de l’indemniser, au motif que le travailleur n’avait pas reçu la consigne de procéder à la réparation.

Dans sa demande d’appel qui a été acceptée mercredi, la famille du défunt reproche au Tribunal administratif du travail (TAT) de ne pas avoir « dûment pris en compte la situation particulière des travailleurs saisonniers agricoles qui vivent et logent sur le lieu du travail ».

Ottoniel Lares Batzibal est mort accidentellement en juillet 2021 à la ferme Les Cultures Fortin inc., à Saint-Patrice-de-Beaurivage, dans la région de Chaudière-Appalaches.

Il était demeuré coincé sous une fourgonnette tandis qu’il s’affairait à changer un pneu crevé. Il avait alors terminé sa journée de travail et prévoyait de se rendre à un match de soccer.

En février 2023, le TAT avait confirmé la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) de ne pas reconnaître la mort du travailleur comme un accident de travail.

La juge administrative Valérie Lizotte faisait valoir que M. Batzibal n’avait jamais reçu la consigne de procéder à la réparation, soulignant que l’accident s’était produit après les heures normales de travail.

« L’intention bienveillante du travailleur s’inscrit dans le cadre d’une initiative personnelle qui n’était pas liée à son travail », avait-elle conclu.

Lien d’emploi différent

Une décision qui reflète une mauvaise connaissance de la réalité des travailleurs temporaires, déplore Michel Pilon, coordonnateur juridique du Réseau d’aide aux travailleurs et travailleuses migrants agricoles du Québec.

« Ils ne sont pas liés à l’employeur comme des travailleurs québécois », souligne celui qui s’est impliqué dans le dossier depuis le début.

M. Batzibal n’était pas seulement un ouvrier agricole, affirme-t-il.

Il était aussi le « chauffeur désigné » : « Il avait aussi une responsabilité de transporter les travailleurs, que ce soit à la banque, à la pharmacie ou à leurs loisirs. »

Le défunt travaillait depuis 12 ans dans la même ferme, souligne M. Pilon. « Ce n’est pas gagné encore, mais je suis très heureux. »

L’histoire avait fait réagir le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, Jean Boulet.

Tout en disant respecter cette interprétation, il avait signalé que « c’est certain que ça provoque une réflexion sur la définition d’accident de travail quand on regarde les faits ». « C’est certain que c’est une décision qui me préoccupe », avait-il ajouté.