Un juge de la Cour du Québec devra se défendre aujourd'hui devant le Comité d'enquête du Conseil de la magistrature à la suite d'une plainte déposée par la ministre de la Justice Stéphanie Vallée. Le juge Manlio Del Negro s'est retrouvé dans l'embarras l'été dernier en raison de révélations sur l'ampleur de ses activités commerciales en prêts privés.

Manlio Del Negro aurait accordé plus de 9 millions de dollars de prêts privés entre 2006 et 2017, alors qu'il était avocat criminaliste, avait révélé Le Journal de Montréal en juin dernier. Pendant plus de 10 ans, il aurait été l'un des plus importants prêteurs de la métropole. Ses débiteurs lui devaient toujours 800 000 $, même s'il avait rejoint la magistrature au mois de mars, soutenait Le Journal de Montréal.

Selon la Cour du Québec, les activités commerciales du juge Del Negro ne le « rendaient pas inéligible », puisqu'il s'était engagé auprès de la juge en chef à s'en retirer « rapidement ». « Consciente qu'il faut accorder un certain délai à chaque nouveau juge pour faire les démarches nécessaires à la transition entre sa situation antérieure et ses nouvelles fonctions, la Cour est satisfaite de celles entreprises par le juge Del Negro », soutenait la Cour du Québec, le 15 juin dernier.

Toutefois, la réaction de la Cour du Québec n'a pas semblé répondre aux inquiétudes de la ministre Vallée. Le communiqué du tribunal restait « muet quant à l'aspect des soldes à percevoir dont ferait état le Registre foncier », note la ministre dans une lettre envoyée le lendemain à la présidente du Conseil de la magistrature pour lui demander d'amorcer une enquête.

Ainsi, les faits allégués sur les affaires du juge Del Negro « semblent faire état d'une brèche » à un des articles de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui stipule que la « fonction de juge est incompatible [...] avec la conduite, même indirecte, d'activités commerciales », écrit la ministre Vallée.

Il appert, selon Le Journal de Montréal, que le juge serait « toujours un "créancier actif" de sommes importantes à la suite de prêts privés qu'il aurait consentis avant sa nomination à la magistrature », ajoute-t-elle.

ENQUÊTE SUR LES PROPOS DU JUGE BRAUN

En octobre dernier, la ministre avait également demandé au Conseil de la magistrature de faire enquête sur des propos « inacceptables » tenus par le juge Jean-Paul Braun à l'endroit d'une victime d'agression sexuelle.

« On peut le dire qu'elle a un peu de surpoids, mais qu'elle a un joli visage, hein ? », avait dit le juge. L'accusé, un chauffeur de taxi, avait agressé sexuellement sa victime à l'arrière de son véhicule. Il lui avait touché un sein et lui avait léché le visage. Il a été reconnu coupable.

« Afin de dissiper tout doute pouvant subsister qui, par le fait même, pourrait porter atteinte à l'honneur, à la dignité et à l'intégrité de la magistrature, je vous demande de faire enquête sur les faits allégués », écrit la ministre Vallée au Conseil de la magistrature. La première date d'audience auprès du Comité d'enquête n'a pas été déterminée. Notons que plus d'une dizaine de citoyens ont également porté plainte au Conseil contre le juge Braun.