Les paris sportifs de la mafia montréalaise fonctionnent un peu comme une entreprise. Ils sont entièrement gérés par des individus liés à la mafia, sauf en ce qui concerne les investisseurs.

Tout en haut de la pyramide, on trouve des membres des familles Rizzuto-Sollecito qui ne sont pas directement impliqués, mais qui en perçoivent les revenus.

En dessous d’eux, il y a un vice-président, qui est le grand patron des paris sportifs, et un directeur général.

Viennent ensuite les gérants de territoire, leurs sous-gérants et une armée de recruteurs.

Le recrutement des joueurs se fait partout, dans les cafés, les bars, les dépanneurs et même les établissements scolaires, comme ce fut le cas avec le jeune homme qui a mis fin à ses jours au printemps 2019.

Le recruteur fournit au joueur un lien pour un site web se terminant par VIP et un numéro d’identification unique.

Lorsque le parieur tape le lien dans son navigateur, une page web minimaliste apparaît, sur laquelle il n’y a que deux cases, l’une pour entrer l’identifiant et l’autre pour que le joueur inscrive le mot de passe qu’il aura choisi.

Le joueur peut alors miser la somme voulue sur une panoplie d’évènements sportifs, tels des matchs de la Ligue nationale de hockey, de la NFL (football), de la MLB (baseball), de la NBA (basketball), de la FIFA (soccer), de toutes sortes d’autres sports et même des parties disputées dans des ligues inférieures. Aucune transaction en argent ou par carte de crédit n’est possible sur le site.

Les serveurs du site se trouvent normalement dans un pays où il est difficile pour les autorités canadiennes d’intervenir et les responsables les déplacent lorsque la police commence à s’y intéresser.

Durant l’enquête Colisée, les paris sportifs de la mafia étaient dirigés à partir d’un local de la rue Bergar, à Laval, et les serveurs se trouvaient au Belize avant d’être déménagés sur la réserve autochtone de Kahnawake.

Plus récemment, selon nos informations, les serveurs, qui auraient appartenu à une société colombienne, se seraient trouvés au Panamá. Ils auraient ensuite été déplacés au Costa Rica ou à Chypre, après le suicide du jeune parieur.

Comptabilité

C’est le recruteur qui fixe la limite de crédit accordée à ses joueurs, selon leur salaire. Il peut la faire augmenter si le joueur le demande. Plus un parieur est un joueur important et riche, plus sa marge de crédit est haute.

Il y a également une hiérarchie chez les recruteurs et les sous-gérants de territoire. Plus ces derniers ont fait leurs preuves, plus ils peuvent se retrouver avec de plus joueurs, plus payants pour l’organisation.

Le vendredi, c’est le jour de la comptabilité : le recruteur communique avec ses joueurs pour confirmer les gains ou les pertes de chacun.

C’est l’organisation qui avance le crédit, faisant ainsi en sorte que le joueur perdant se retrouvera automatiquement avec une dette auprès des créanciers de la mafia et que son nom sera inscrit en tant que client dans le livre des prêts.

Le lendemain, le recruteur visite chaque joueur et lui remet ses gains, ou collecte ses pertes. Tout se fait en argent. Si un joueur est incapable de rembourser le total de ses pertes, sa dette sera immédiatement inscrite sur la liste de l’organisation et il devra la rembourser avec des intérêts à des taux usuraires.

Le recruteur ou le sous-gérant de territoire garde alors un pourcentage des gains et apporte une enveloppe contenant le reste de l’argent au quartier général de son gérant de territoire, souvent un café ou un autre commerce.

Un nouvel exercice comptable est effectué. Le gérant de territoire conserve 20 % de la somme et apporte l’argent restant dans une épicerie de Laval où un autre pourcentage est retranché avant que la somme finale soit acheminée au sommet de la pyramide.

Le café Bellerose à Laval, connu de la police comme un endroit contrôlé par la mafia sicilienne depuis plusieurs années, serait, selon nos informations, un lieu de dépôt des gains réalisés dans chaque territoire, et de préparation de la paie qui sera versée aux grands patrons des paris sportifs.

Outre les patrons et gestionnaires, le volet paris sportifs de la mafia compte également sur la participation d’actionnaires, des individus souvent associés à d’autres organisations criminelles tels les Hells Angels, et qui investissent des sommes dans « l’entreprise ».

Ces sommes investies servent à payer les joueurs gagnants ou à prêter de l’argent à des taux usuraires pour éponger les pertes des joueurs perdants.