« Le Tribunal condamne Jean Blais à 14 ans de prison », a tranché le juge Serge Cimon, lundi matin. Cynthia Blais, une jeune femme au sourire timide assise dans la salle d’audience, s’est effondrée. Elle a fondu en larmes et s’est appuyée sur l’intervenante qui la consolait. Après cinq ans de procédures judiciaires, elle a douté que ce jour arrive vraiment.

Jean Blais, l’accusé en question, c’est son père. La personne censée la protéger. Mais il s’est servi d’elle comme esclave sexuelle pendant plus d’une décennie.

« J’ai souvent pensé à retirer ma plainte. Le fait que c’était tout le temps reporté, je trouvais ça trop dur », a-t-elle confié à La Presse lors d’une entrevue quelques semaines avant le prononcé de la sentence.

Mais lundi, à sa sortie de la salle d’audience, des larmes ont fait briller le regard de Cynthia. Elle affichait un sourire de soulagement. Enfin, c’est fini.

Je n’imaginais même pas que c’était possible d’avoir les épaules aussi légères.

Cynthia Blais, à la fin du prononcé de la sentence

Il nous est possible de la nommer puisqu’elle a fait lever l’ordonnance de non-publication qui protégeait son identité.

« On compare l’inceste à un meurtre sans cadavre », a déclaré le juge Serge Cimon en livrant la sentence de Jean Blais, condamné à 14 ans de prison lundi. Il s’agit de la peine maximale en matière d’inceste pour l’homme accusé d’agression sexuelle sur sa fille. Il est très rare qu’un juge surpasse la peine demandée par la Couronne. La poursuite, représentée par MBrenda Toucado, suggérait 12 ans dans ce dossier.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Cynthia Blais au palais de justice de Laval, lundi

C’est la fin d’un long parcours pour Cynthia Blais. Le dossier est resté cinq ans devant les tribunaux en raison de constants reports de la défense. Les procédures judiciaires interminables ont failli la faire abandonner. Pire encore, elle y a presque laissé sa vie.

La Presse a rencontré la jeune femme quelques semaines avant que son père ne reçoive sa peine. Cynthia, souriante et sereine, nous a alors parlé avec aplomb. Rien ne laissait deviner les cauchemars qui l’ont habitée pendant les trois quarts de sa vie.

Il la traitait comme sa femme

Cynthia Blais regardait l’émission pour enfants Bob le bricoleur à la télévision la première fois que son père l’a violée. Elle avait 7 ans.

Il a recommencé moins d’une semaine plus tard, puis a continué à raison d’une ou deux fois par semaine. Les attouchements sont devenus des agressions sexuelles complètes.

Quand elle a indiqué que ça lui faisait mal, il lui a dit « qu’elle allait s’habituer ».

Jean Blais a continué à manipuler sa fille durant son adolescence. Si elle voulait de l’argent de poche, passer la nuit chez une amie, aller au restaurant ou au cinéma, elle devait lui promettre de lui faire une fellation. Il fallait payer pour obtenir le moindre « privilège ».

L’avocat de la défense, MMario Lavigne, demandait cinq ans pour son client.

Dans sa lecture du jugement d’une quarantaine de pages, le juge Cimon a souligné la résilience et le courage de Cynthia Blais. Elle est passée de victime à survivante, a-t-il écrit.

Elle est aujourd’hui une combattante qui reprend lentement et sûrement le contrôle de sa vie.

Le juge Serge Cimon

Après le prononcé de la peine de 14 ans, elle est sortie de la salle d’audience la tête remplie de projets. Elle et sa femme souhaitent avoir un enfant, a-t-elle dit d’une voix douce. « J’avais ma vie sur pause. J’étais trop stressée. Maintenant, j’ai le droit d’être heureuse et un jour d’avoir une famille. »

Ce discours débordant d’espoir est le fruit de rudes épreuves. Car le parcours de Cynthia Blais n’a pas été de tout repos : elle a dû attendre des années avant de reprendre le contrôle sur son histoire.