(Ottawa) Les traducteurs de la Colline du Parlement crient au scandale suite à une décision de la Chambre des communes d’embaucher des interprètes de l’extérieur non accrédités afin d’éviter les pénuries massives de main-d’œuvre.

La qualité du bilinguisme est gravement menacée, affirme un groupe international qui représente les traducteurs, et les conservateurs s’inquiètent de la sécurité des réunions confidentielles.

Mais le leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland, soutient qu’il existe d’énormes lacunes dans les services et qu’il est essentiel de faire appel à une aide extérieure pour maintenir les travaux parlementaires sur la bonne voie.

Un projet pilote de six mois a été lancé en juin pour tester les services de traduction à distance au milieu de ce que Services publics et Approvisionnement Canada a appelé une pénurie mondiale d’interprètes.

Le bureau de traduction du ministère a déclaré à l’Association internationale des interprètes de conférence, qui représente les interprètes parlementaires, qu’il recherchait des ressources externes. Cette décision devrait toucher ceux qui traduisent l’anglais et le français.

C’est alors que la sonnette d’alarme s’est déclenchée pour Nicole Gagnon, de l’Association. Elle affirme qu’on lui a dit que l’embauche à l’externe signifiait non-accrédité, un changement sans précédent qui la préoccupe grandement à propos de la qualité du bilinguisme au sein de l’appareil fédéral.

« Les parlementaires en sont venus à compter sur la qualité de nos services », a déclaré Mme Gagnon en entrevue. « Il y a une relation de confiance ; ils savent que lorsqu’ils parlent en anglais, leurs paroles seront fidèlement interprétées en français et vice versa. »

Le leader de l’opposition à la Chambre, John Brassard, craint qu’il y ait des risques pour la sécurité liés au déplacement de l’interprétation à l’extérieur des Communes et se demande si les interprètes tiers sont suffisamment contrôlés.

John Brassard a également déclaré que le parlement hybride de l’ère de la pandémie de COVID-19 a causé des maladies professionnelles aux interprètes au travail, aggravant encore la pénurie de travailleurs. Des traducteurs ont signalé avoir souffert d’acouphènes, qui provoquent des bourdonnements d’oreilles, de maux de tête, de nausées et de chocs acoustiques après des mois passés à traduire des parlementaires en ligne via des micros d’ordinateurs portables flous et de mauvaises connexions internet.

Mark Holland signale qu’à mesure où le nombre de comités augmente, que le travail de la Chambre se développe, le manque d’interprètes devient un obstacle très important pour le fonctionnement de la Chambre.

Le conseil de régie interne, un comité directeur multipartite composé de leaders à la Chambre et d’autres députés qui prend des décisions financières et administratives concernant la Chambre des communes, a consulté le personnel sur la façon de résoudre le problème.

Alexandra Maheux, porte-parole de Mark Holland, n’a pas abordé la question sécuritaire soulevée par John Brassard. Elle a cependant fait remarquer que depuis le début de la pandémie, la Chambre des communes a adapté son calendrier afin que les réunions des comités puissent se dérouler sur toute la semaine de travail. De plus, l’administration a traité les problèmes de son de manière proactive ou lorsqu’ils surviennent et a effectué des tests de qualité audio à distance pour s’assurer qu’elle respecte les meilleures pratiques actuelles de l’industrie.

Mais puisque le gouvernement fédéral reste incapable de répondre à la demande de traduction avec les ressources actuelles, il s’est tourné vers le programme pilote pour faire appel à une aide extérieure.

Nicole Gagnon craint que le processus d’accréditation existant ne soit brisé ou dilué si ces travailleurs ne sont pas tenus aux mêmes normes. Elle déplore que son organisation ne parvienne pas à obtenir de l’appui sur d’autres solutions proposées, telles qu’un calendrier électronique qui permettrait aux pigistes pleinement accrédités de partager leur disponibilité, ou d’élargir davantage la fenêtre pendant laquelle les réunions du comité peuvent se tenir.